jeudi 30 avril 2020

QUATRIÈME PARTIE DU LIVRE : UN CHEMIN VERS L'ESPRIT


LES ORGANES
DE LA PERCEPTION ÉTHÉRIQUE

Le développement d'organes de perception des réalités suprasensibles fait l'objet essentiel de l'ouvrage de Rudolf Steiner intitulé L'Initiation[1]. Il n'y a pas lieu d'y revenir ici. On s'efforcera seulement de répondre à une objection possible. Comment des exercices de pensée, même réchauffés du « sentiment approprié », pourraient-ils créer des organes de perception ?

Il faut remarquer tout d'abord qu'il s'agit d'organes éthériques et non d'organes physiques. Or, le corps éthérique est infiniment plus plastique que le corps physique.  Il serait sans doute impossible de créer par ces moyens un organe nouveau dans le corps physique.  Il n'en est pas de même du corps éthérique.

En second lieu, il ne s'agit pas d'une création absolue ex nihilo, ce qui toucherait au miracle. Ces organes de perception existent chez chacun à l'état de germe. Il ne s'agit donc que de les développer. L'organe de perception du plan de construction des êtres vivants, du corps éthérique, est même spontanément actif chez quelques personnes. Il y a maint village où quelque fille de ferme sait distinguer les œufs fécondés, qu'il faut mettre sous la poule qui couve, de ceux qui ne le sont pas. Elle sait aussi trier les graines qui germeront de celles qui sont mortes ou ne donneront que des plants chétifs. 

Ce sont des facultés dont on ne parle guère, car celui qui en bénéficie préfère en garder les profits pour lui, et celle qui les possède craint de passer pour sorcière. Beaucoup d'espèces d'oiseaux possèdent ce même don, car fréquemment la mère qui couve jette hors du nid, longtemps avant l'éclosion, les œufs non fécondés. Ce don est l'indice que chez ceux qui le possèdent, l'organe de perception du corps éthérique est devenu spontanément actif. Chez les êtres humains, et surtout à notre époque, des troubles physiologiques sont souvent la rançon de ce développement anormal. Un entraînement méthodique peut produire ce même développement mais, si la méthode a été judicieusement choisie, il ne produira pas de troubles.

DE L'OBSERVATION NAÎT LA VISION

Rudolf Steiner a insisté à plusieurs reprises sur un point qui peut paraître à première vue insignifiant. Il faut placer devant soi une graine et non pas imaginer une graine. Pourquoi ? Il y a sans doute plusieurs raisons, mais la principale tient à la nécessité de se représenter exactement le développement de la plante qui doit sortir de la graine qu'on a devant soi, et non pas d'une plante quelconque. 

D'une graine imaginée on peut faire sortir une plante imaginaire par un développement de pure fantaisie. Or, c'est une plante réelle, et c’est sa croissance, telle qu'elle se développe dans la nature, qu'il faut savoir suivre et se représenter, et non pas une fantasmagorie.  Le plan de construction, le corps éthérique de chaque espèce de plante possède des particularités ou des qualités qui lui sont propres. Il faut s'habituer peu à peu à les percevoir. Ces qualités ou particularités sont en rapport avec certaines forces éthériques auxquelles chaque espèce est plus particulièrement sensible.

Prenons un exemple. Il n'est pas indifférent de suivre ou d'imaginer le développement d'un grain de blé ou celui d'un haricot.  Le haricot est une plante dicotylédone. Les deux cotylédons de la graine, aussitôt après la germination, vont être entraînés hors du sol par la tigelle.  Ils s'écartent et subissent une métamorphose.  Ils verdissent en effet, ce qui montre que la fonction chlorophyllienne s'y exerce. De graine ils se sont transformés en feuilles.

Au contraire, le grain de blé qui est monocotylédone reste en terre, vidé de sa substance par la germination. La tige se dresse rigide, d'un seul élan, en un long tube perpendiculaire au sol.  Les feuilles, comme emportées par cet élan, épousent étroitement la tige, elles l'enserrent, formant d'abord un tube elles-mêmes. Elles ne la quittent une à une qu'à regret pour faire flotter au vent leur longue lanière molle.

Tout autre est la tige du haricot. Elle forme des nœuds et de chacun d'eux partent dans trois directions différentes trois éléments : une paire de longs pétioles au bout desquels s'épanouissent les trois lobes de la feuille, et la tige qui continue son développement.  Entre chaque nœud la tige est droite; mais à chacun d'eux elle change légèrement de direction. Chaque élément de la tige, entre deux nœuds, n'est jamais dans le prolongement exact du précédent. Elle pousse en zigzags plus ou moins accentués. Elle traînerait à terre si elle ne rencontrait quelque point d'appui qu'elle ne serre jamais de près, mais contourne à distance en  développant l'hélice de son serpentin zigzagant.  Aux feuilles il faut toute la force du jour pour qu'elles parviennent à s'étaler jusqu'à l'horizontale.  Dès que le soleil décline, elles se laissent retomber, détendues, flasques. Si les fleurs se tendent vers le jour, les gousses en croissants allongés pendent vers la terre.  S'élever paraît être pour toute la plante un effort si grand qu'elle n'aspire qu'à se laisser retomber au sol.

Dans le blé, par contre, tout, jusqu'à l'épi, s'élance d'un seul jet vers le soleil.
Les forces de construction qui édifient ces deux plantes sont, de toute évidence, différentes de nature et opposées en direction.

Des constatations de cet ordre peuvent mener tous ceux qui les font jusqu'au seuil du monde suprasensible que la science spirituelle désigne sous le nom de « monde éthérique ». En effet, constater ces différences, ressentir ces oppositions, c'est déjà percevoir, au travers de l'apparence sensible, la complexité de ce monde éthérique et certaines lois qui le régissent.

Parmi tous les savants qui à l'époque contemporaine se penchent sur le problème de la vie, le scrutent avec une admirable conscience, il en est beaucoup qui ont été ainsi amenés par leurs observations jusqu'à ce seuil du monde éthérique. Ils n'ont pas pu ou pas su le franchir.  Il leur manquait une hypothèse de travail et une méthode. La science spirituelle nous offre l'une et l'autre.

THÉORIE DES FORCES ÉTHÉRIQUES

L'enseignement de la science spirituelle distingue quatre sortes de forces éthériques : les éthers de chaleur, de lumière, l'éther chimique et l'éther de vie. Les deux premiers, les éthers de chaleur et de lumière, sont des forces rayonnantes comme le sont chaleur et lumière physiques. Comme les gaz, ils cherchent à se détendre dans toutes les directions. Par rapport à la terre ils sont centrifuges, c’est-à-dire qu’ils exercent leur force vers l’extérieur.
Tout à l'opposé l'éther de vie est une force de cohésion à tendance centripète[2] (..qui exerce sa force vers l’intérieur).  L'éther chimique intermédiaire entre les éthers de chaleur et de lumière d'une part, et l'éther de vie d'autre part, est une force fluctuante qui, dans la nature, s'élève avec le jour, rentre dans le sol avec la nuit, mais dont la tendance générale est nettement centripète.

Il est dès lors facile de voir que, dans les lignes fusantes du blé, se manifestent les forces centrifuges et rayonnantes de l'éther de lumière; dans les lignes brisées et retombantes du haricot, dans ses élans suivis d'hésitations, « ses repentirs et sa lassitude », s'exprime la nature fluctuante et centripète de 1 'éther chimique.

Il faudrait évidemment être doué d'un génie d'invention exceptionnel pour être capable de découvrir, en partant d'observations de ce genre, la théorie des forces éthériques, les caractéristiques de chacune d'elles, les lois auxquelles elles obéissent. On ne saurait objecter que les observations décrites sont si banales que si on pouvait réellement en tirer tant de choses, il y a longtemps que ce serait fait; Newton a découvert la gravitation universelle en regardant tomber une pomme. On avait vu tomber bien des pommes depuis que l'humanité existe; il a fallu attendre le génie de Newton pour qu'on en puisse tirer la loi universelle qui régit les corps célestes. 

Un autre Newton aurait pu, uniquement par génie humain et sans clairvoyance, découvrir l'éthérique en observant la croissance des plantes. Il lui aurait fallu seulement posséder ou acquérir l'activité de pensée suffisante

C'est cette même activité que nous devons chercher à développer aujourd'hui pour parvenir à la connaissance des forces éthériques. Mais notre tâche est bien facilitée et nous n'avons plus besoin de génie - seulement d'exercices appropriés. Pourquoi cela ? Ces forces ont été perçues par Rudolf Steiner.  Mais ce n'est pas tout, car d'autres clairvoyants les avaient entrevues avant lui.  Il a été capable de les penser et d'exprimer sa pensée sous une forme accessible à des intelligences modernes.

Or, lorsqu'une notion a été pensée et exprimée, l'activité nécessaire pour retrouver cette pensée au travers de l'expression qui en a été donnée est bien moindre que pour arriver à penser un fait observé. Il ne faut plus, pour comprendre la gravitation universelle, déployer le génie qu'il a fallu pour la découvrir.

En ce qui concerne les forces éthériques, il faut employer une plus grande activité que pour assimiler une notion comme la gravitation universelle. On est quitte envers cette dernière lorsqu'on en a compris le résultat exprimé en une formule célèbre. Il est inutile de repartir de l'observation d'une pomme qui tombe et de refaire tous les calculs qui ont permis à Newton d'établir sa formule. Il n'en est pas de même des forces éthériques et, en général, de tout l'enseignement de la science spirituelle. 

L'important ici, ce n'est pas d'assimiler les résultats obtenus et de les résumer, de les condenser en formules plus ou moins heureuses ou précises. L'essentiel est de développer en soi l'activité intérieure nécessaire pour créer d'abord des façons de penser nouvelles, puis si possible, des organes de perception. Il est donc utile de refaire les observations sur lesquelles peut se fonder la connaissance de l'éthérique et de s'efforcer de les penser méthodiquement. 

De telles observations ont donc une grande importance pour tous ceux qui suivent le chemin qu'indique la science spirituelle.
Elles permettent tout d'abord de comprendre pourquoi Rudolf Steiner demande qu'on prenne pour point de départ de la méditation une graine réelle et non pas une graine imaginaire. L'esprit doit apprendre, par l'exercice, à suivre dans le visible l'action de forces suprasensibles de natures diverses. Il ne faut pas imaginer une graine ou une plante abstraite, mais se rendre apte à saisir la nécessité, la loi du développement de chaque espèce de plante. 

C'est là, dans cette nécessité, qui impose à chaque espèce de plante son geste de croissance propre, que s'inscrit dans le monde physique la réalité suprasensible.  C'est cette réalité qu'il faut saisir derrière tous les détails complexes des manifestations visibles.  C'est en serrant au plus près ces manifestations qu'on peut l'entrevoir et découvrir la signature de l'esprit.

Pour être fructueuses, ces observations supposent presque toujours, sauf pour le cas du génie, la connaissance préalable de l'enseignement de la science spirituelle. Mais elles peuvent conduire à en vérifier le bien-fondé. Pour avoir plus de poids, cette vérification pourra être complétée par d'autres observations. Elles pourront être de deux ordres.

Tout d'abord elles permettent de mieux comprendre par exemple les différences entre la culture du blé et du haricot. Ces différences ont été établies par pur empirisme. La théorie des forces éthériques permettra de les comprendre, et au besoin d'y apporter certaines modifications.
En second lieu, la vérification pourra se faire par rapprochement avec d'autres faits.

LES FORCES ÉTHÉRIQUES
DANS L'ANTIQUITÉ

Les Anciens avaient déjà ressenti les oppositions qui s'inscrivent dans les lignes de croissance de ces végétaux. Dans toutes les religions antiques, le blé a été représenté comme l'image même des forces solaires qui agissent dans la nature par l'éther de lumière ; tandis que les légumineuses étaient considérées comme un des types les plus caractéristiques des forces lunaires que l'éther chimique fait pénétrer dans le monde sensible.

La connaissance des forces éthériques était beaucoup plus répandue dans l'Antiquité qu'on ne le croit. Chez les Grecs, elle s'est exprimée dans la théorie des quatre éléments. Ces éléments des Anciens n'avaient aucun rapport avec ce que nous entendons en chimie par éléments ou corps simples. 

Les physiciens grecs disent, par exemple, que les quatre éléments sont partout intimement mélangés ; que la résistance opposée par l'eau, et qui permet d'y nager ou aux navires de flotter à sa surface, est due à ce que l'élément « terre» est mélangé à l'eau ; que c'est également à la présence de cet élément qu'est due la résistance de l'air que nous sentons en opérant un mouvement rapide. 

Les éléments étaient donc pour les Grecs une qualité de la matière et non la substance elle-même. Ces éléments correspondent dans certains de leurs aspects aux quatre éthers de la science spirituelle : le feu à l'éther de chaleur, l'air à l'éther de lumière, l'eau à l'éther chimique, la terre à l'éther de vie.
Les Chinois n'ont retenu que l'opposition entre les éthers de chaleur et lumière d'une part, les éthers chimique et de vie d'autre part, qu'ils considèrent comme éléments mâle et femelle et qu'ils dénomment Yin et Yang. Ils enseignent que l'union du Yin et du Yang a donné naissance aux dix mille créatures, donc à tout ce qui vit.

L'occultisme médiéval avait conservé la notion des forces éthériques. Il caractérisait volontiers chacune d'elles par une saveur. Jacob Bœhme, qui employait les termes de l'alchimie, distingue encore le doux ou le sucré correspondant à l'éther de chaleur, l'acide correspondant à l'éther de lumière, l'amer à l'éther chimique et l'astringent à l'éther de vie. La saveur constituait pour lui un des éléments permettant de reconnaître « la signature des choses », autrement dit l'empreinte dans le monde sensible des forces suprasensibles de construction.

LA QUALITÉ,
EXPRESSION DES FORCES ÉTHÉRIQUES

La saveur est une caractéristique permettant de déceler la prépondérance d'une des forces éthériques. Il est bien évident qu'un fruit, à mesure qu'il mûrit, passe successivement de l'amer ou de l'astringent à l'acide et enfin, lorsque la chaleur l'a suffisamment pénétré, au sucré. Les quatre forces éthériques agissent successivement au cours de la formation du fruit.

Mais, dans ce cas, elles agissent par le « médium » des forces physiques de la lumière et de la chaleur. Si l'été n'est pas chaud, les fruits ne sont pas sucrés. Tout autre est le cas lorsque nous remarquons que la culture a, en général, pour résultat de rendre les fruits plus charnus et plus sucrés. Ces qualités acquises par la culture, maintenues et renforcées par la sélection, nous montrent que le travail humain a été capable de modifier le plan de construction, le corps éthérique de la plante. Si la culture rend un fruit plus sucré, c'est donc qu'elle permet à la plante de mieux capter les forces de l'éther de chaleur, de les lier plus étroitement à son activité fructifiante.

La culture ne modifie pas le climat ; elle agit seulement sur le sol. Comment en travaillant le sol peut-on rendre le fruit capable de mieux saisir l'éther de chaleur ? Ces réflexions nous permettent d'induire que les éthers rayonnants, s'ils agissent dans une certaine mesure directement sur le fruit au travers des forces physiques de lumière et de chaleur, ont une action beaucoup plus profonde sur la plante lorsqu'ils lui sont transmis par le détour du sol où ils sont captés par les racines.

Ce qui est dit ici des fruits est valable également pour toutes les modifications acquises par la culture. Les améliorations de plantes annuelles se transmettent généralement par la graine.  Mais elles disparaissent rapidement et la plante dégénère si elle cesse d'être cultivée ; la plante retourne à l'état sauvage; souvent elle devient de plus en plus chétive, puis disparaît au bout de quelques années.  Les modifications du corps éthérique de la plante sont donc bien fonction de la culture.

Il est intéressant de remarquer en outre que les améliorations obtenues dans la partie comestible ou ornementale de la plante cultivée ont généralement pour contrepartie la disparition d'autres caractères de la plante sauvage. Ainsi lorsqu'une espèce de chardon a été transformée en artichaut, il a perdu en grande partie le caractère épineux de la plante sauvage.  De même les rejets de citronnier portent de longues épines, ce qui laisse supposer qu'à l'origine le citronnier était un arbrisseau épineux.  Les forces qui faisaient pousser les épines paraissent avoir été métamorphosées en une activité accrue de floraison et de fructification.  La culture, conduite de façon judicieuse, a donc pour conséquence de produire des mutations dans l'activité éthérique de la plante. 

Ces mutations sont le résultat d'un certain état du sol permettant aux forces éthériques libres, agissant dans la nature, d'être captées par les racines, assimilées par la plante et dirigées vers certaines parties de l'organisme végétal.

Ces dernières observations nous permettent d'entrevoir que l'étude des forces éthériques peut conduire à une conception tout à fait nouvelle de la physiologie végétale.  Elle a également des applications importantes dans la méthode biodynamique en agriculture.

Nous n'avons pu donner, bien entendu, que quelques exemples très simples des observations qu'on peut faire en ce domaine.  Elles ne sauraient servir à elles seules à justifier entièrement une conception aussi vaste et complexe que la théorie des forces éthériques. Mais elles peuvent, et c'est le but que nous poursuivons, permettre de bien caractériser la voie de connaissance que nous cherchons à suivre.


LA THÉORIE DES FORCES ÉTHÉRIQUES
APPLIQUÉE EN PRATIQUE

Nous ne pouvons évidemment qu'indiquer rapidement, énumérer plutôt, les applications pratiques tirées de l'enseignement relatif aux forces éthériques. Ce serait sortir du plan de ce livre que de les exposer plus longuement. Elles le mériteraient sans doute.  Mais, pour le dessein que nous poursuivons, ces applications ne nous intéressent qu'à un seul point de vue : elles confirment l'exactitude de l'enseignement donné. En effet, lorsqu'une notion, quelle qu'elle soit, peut être l'objet d'applications pratiques, et que les faits ainsi provoqués sont conformes à la théorie proposée, on admet qu'il y a preuve acquise en faveur de cette théorie. Il en est ainsi en ce qui concerne les forces éthériques.

Au cours de notre exposé, nous avons plusieurs fois fait allusion à l'intérêt que peut présenter la connaissance des forces vitales pour l'agriculture.  C'est toute une méthode agricole que Rudolf Steiner a pu créer.  Elle est connue sous le nom de « méthode biodynamique[3] ».  Dès 1939, soixante-dix mille hectares environ étaient cultivés d'après cette méthode en Suisse, en Hollande, en Allemagne, en Pologne, en Angleterre et aux États-Unis.
Connaître les forces éthériques ou forces vitales est aussi d'une importance capitale pour les médecins.  Rudolf Steiner a donné des indications importantes en médecine.  De nombreux travaux ont été repris d'après ces directives, notamment pour la détection du cancer à ses débuts et pour sa thérapeutique.

Des expériences de laboratoire ont pu être faites également pour étudier certains effets des forces éthériques. Parmi les plus importantes, il y a lieu de citer celles ayant pour but de rendre visible le pouvoir qu'ont les sons de créer des formes. On retrouve, en effet, dans presque tous les pays, des légendes qui illustrent le pouvoir magique de la musique ou de la parole.  En jouant d'un instrument, par incantation, ou en prononçant certains mots, des magiciens ou des dieux peuvent créer ou détruire.  D'après les traditions sacrées de l'Inde ou de l'Égypte, les dieux primordiaux créèrent l'univers par la parole, par le verbe.  L'Évangile selon saint Jean nous le confirme. Cette tradition est trop universelle pour ne pas reposer sur un fait réel.

Rudolf Steiner avait indiqué que l'éther chimique, au sein duquel se produisent tous les phénomènes sonores, est l'agent le plus actif d'édification des formes.  L'expérimentation a montré que les vibrations acoustiques créent des formes dans les flammes. Ces formes se modifient beaucoup trop vite pour être perçues directement par l'œil. Mais, par un dispositif optique qui a été inventé à cet effet, on peut les observer.  On s'aperçoit alors que chaque note de la gamme, chaque voyelle ou chaque consonne, produit au sein d'une flamme une forme qui lui est propre. Ces formes ont une structure plus ou moins riche, des contours plus ou moins précis ou arrêtés suivant la qualité du timbre, ou la musicalité du son émis.  

On peut donc apprécier, grâce à ce dispositif, la qualité d'un instrument, d'une voix ou d'un exécutant. Tout ceci est certes fort loin des miracles légendaires, mais prouve néanmoins que les forces éthériques du son peuvent être créatrices de formes, ainsi que l'avait déclaré Rudolf Steiner.

Des expériences également fort importantes ont pu être faites en utilisant le phénomène de la cristallisation. La construction régulière, géométrique des cristaux est édifiée par les forces éthériques. Un cristal n'est cependant pas un être vivant.  Il n'a pas de corps vital.  

Aussi les forces éthériques agissent-elles selon des modes fort différents selon qu'elles édifient un cristal ou qu'elles assurent le développement d'un être vivant. Lorsqu'on observe au microscope comment se construit un cristal, on voit se former çà et là dans l'eau-mère des particules cristallines qui tout à coup se déplacent et viennent s'agréger les unes aux autres.  Elles s'accolent selon les lignes géométriques qui forment le plan du cristal. Tout se passe comme si un être invisible se livrait à un jeu de construction, saisissant chaque particule pour la placer à un point exactement déterminé.  

Les forces d'édification, qui sont des forces éthériques, agissent donc de l'extérieur vers l'intérieur du cristal. Elles ne sont pas dans le cristal, mais autour de lui.

Dans les êtres vivants, c'est l'inverse qui se produit. Tous les animaux et l'homme même se développent à partir d'une seule, d'une unique cellule, un ovule fécondé.  Cette cellule grossit et, sitôt qu'elle a atteint une certaine taille, se divise en deux. Ces deux cellules grossissent et se subdivisent à leur tour ; puis de quatre elles deviennent huit et ainsi de suite.  L'animal se développe de l'intérieur vers l'extérieur.  

Les forces de construction sont, en effet, incarnées dans l'animal, constituées et individualisées en corps éthérique. Elles agissent donc bien de l'intérieur de l'organisme.

On ne saurait modifier les forces éthériques incarnées dans l'animal; on détruirait l'organisme qu'elles édifient. On peut atteindre plus facilement celles qui flottent autour du cristal en formation. Or, elles passent par un moment critique, un instant de demi-liberté; c'est le moment où une substance dissoute dans l'eau-mère, donc sans forme, va tout à coup commencer à prendre forme. 

Quelque chose d'invisible va apparaître : le plan de construction du cristal, qui n'était qu'en puissance tant que la substance était dissoute, devient manifesté. C'est à ce passage de l'état sans forme à l'état de forme, qu'on peut essayer de saisir les forces éthériques. Il serait sans doute difficile de modifier le plan de construction des cristaux ; chaque substance cristallise, en effet, d'après un système de lignes rigoureusement fixé. 

Mais il se produit quelque chose d'autre pendant ce moment critique : il est rare qu'un seul cristal apparaisse dans l'eau-mère; il y en a presque toujours plusieurs, souvent de nombreux.  Ils paraissent groupés un peu au hasard, sans plan défini.  

Ainsi, lorsqu'on fait cristalliser un peu de sulfate de cuivre, le fond du cristallisoir se tapisse de très petits cristaux allongés, en aiguille, disséminés en désordre. C'est sur cet agencement de cristaux qu'on s'est efforcé d'agir en obligeant les forces éthériques à les répartir d'après un plan.

On y parvient en mélangeant à la solution de sulfate de cuivre quelques gouttes d'une autre substance chargée elle aussi de forces éthériques. Les cristaux vont alors se grouper et dessiner des formes qui diffèrent selon la substance introduite dans la solution.

Mélange-t-on ainsi au sulfate de cuivre, dans des conditions que nous n'avons pas à décrire ici, une goutte de suc d'une plante ou de sang d'un animal ou d'un homme, on verra apparaître toute une série de formes. Chacun des cristaux reste bien fidèle au système de cristallisation du sulfate de cuivre ; c'est leur répartition qui est modifiée.  Au lieu d'être disséminés en désordre, ils sont maintenant groupés selon des lignes définies. Chaque espèce de plante, chaque race animale, chaque homme donnera ainsi une sorte d'image propre à l'espèce, à la race, à l'individu.  Toutes les plantes d'une même espèce, tous les animaux d'une même race donneront une image à peu près semblable. Pour les hommes, les formes sont beaucoup plus différentes d'un individu à l'autre, bien qu'elles aient toutes une sorte de parenté humaine. Chez l'homme, l'influence de la race cède le pas à celle de la personnalité.

Le corps éthérique est aussi corps vital. Si la vitalité est diminuée parce que l'être, que ce soit plante, animal ou homme, est malade, le fait apparaît nettement dans la cristallisation. Au lieu de formes équilibrées, continues, précises, des irrégularités, des brisures, des trous viennent hacher les lignes. 

Le fait apparaît clairement dès qu'on a vu quelques cristallisations. Mais toutes les maladies n'attaquent pas les forces vitales de la même façon.  Les images du sang diffèrent donc d'après la nature de l'affection dont le malade est atteint.  La cristallisation permet de porter un diagnostic. Mais pour le lire correctement il faut une grande habitude ; c'est affaire de spécialiste[4].

Ces expériences et bien d'autres encore nous permettent de suivre clairement l'action des forces éthériques et de voir que cette action est conforme aux indications données par Rudolf Steiner.  La preuve de leur existence peut donc être considérée comme faite, et cela selon les exigences des méthodes scientifiques.  Ces expériences ont été poursuivies depuis plus de vingt ans dans les laboratoires du Gœthéanum (Suisse) qu'a fondés le Dr E. Pfeiffer, et reprises par plusieurs médecins d'Europe et d'Amérique.  C'est également dans les laboratoires du Gœthéanum qu'ont été réalisées par M. Schiller les expériences sur la sensibilité de la flamme au son, dont nous parlions plus haut.

***

LA PULSATION UNIVERSELLE

Les indications qui viennent d'être données sont loin d'épuiser tout l'enseignement de la science spirituelle sur les forces éthériques. Nous nous sommes attachés uniquement à l'un de leurs aspects, celui des forces vitales. 
Nous avons fait allusion à plusieurs reprises à des forces éthériques « libres ».  Il faut entendre par là celles qui ne sont pas organisées et individualisées en un corps éthérique. Ces forces libres forment un monde aussi vaste et aussi complexe que le règne minéral.  Étant donné le dessein essentiel que nous poursuivons, l'étude de ce monde sort de notre sujet. On ne saurait cependant se dispenser de donner quelques brèves indications à cet égard.

Nous avons déjà vu que la matière minérale est immuable, que son caractère essentiel est l'inertie, tandis que l'éthérique se manifeste par des transformations, des métamorphoses continuelles, un mouvement incessant. 

Ce mouvement n'est d' ailleurs pas une agitation désordonnée, mais un rythme régulier, un battement, une pulsation.  Dans notre organisme, le flux sanguin, l'inspiration et l'expiration pulmonaires nous donnent un exemple précis de l'activité des forces vitales.

Dans l'univers, les forces éthériques présentent le même caractère. Chaque fois que nous constatons dans la nature l'existence d'un phénomène qui se reproduit rythmiquement, nous pouvons en inférer qu'une activité éthérique vient mouvoir la matière.

Il en est ainsi, quel que soit l'ordre de grandeur des phénomènes, des plus vastes aux plus infimes. La circulation des astres, la succession des saisons, l'alternance du jour et de la nuit nous montrent les forces éthériques à l'œuvre, tout aussi bien que la poussée des plantes se développant à une date précise, toujours la même pour tous les sujets de la même espèce. 

C'est sous cette influence que les embryons animaux et humains passent par une suite d'états de forme qui se succèdent à des périodes précises, et que tous les enfants sourient, marchent, parlent, perdent leurs dents de lait à peu près au même âge. Si les dents de sagesse apparaissent d'une façon plus irrégulière, et assez souvent ne poussent même pas, c'est qu'en l'état actuel de notre civilisation le corps éthérique est déjà bien abîmé lorsqu'on a vingt ans !

Ainsi, au travers du monde éthérique, l'aspir et le respir cosmiques viennent agiter la matière en lui communiquant l'élan rythmique des grandes pulsations universelles.  Si cet univers est un être vivant, on peut dire que son cœur bat dans le monde éthérique.


***

Nous avons suivi, dans les pages qui précèdent, la voie par laquelle tout esprit qui s'y applique sans idées préconçues, peut parvenir à certaines notions sur les forces éthériques.  

Nous sommes partis d'observations que chacun peut faire, mais qui nous permettent de pressentir au travers du monde visible l'action des forces suprasensibles.  

Nous avons vu que pour parvenir à la connaissance de ces forces il est nécessaire de développer, en même temps que l'observation, une activité intérieure plus intense que ne l'exige la pensée habituelle. Il faut, en effet, d'une part diriger l'observation vers certains aspects, généralement négligés, des phénomènes ; d'autre part entraîner notre pensée à saisir des forces de vie toujours mouvantes dont les lois et le comportement sont différents de ceux qui régissent les phénomènes du monde physique.  

Cette activité intérieure peut être qualifiée de pensée vivante, parce qu'elle est adaptée aux phénomènes de la vie.  Elle constitue un premier pas dans le développement intérieur que propose la science spirituelle.  Le travail destiné à l'acquisition de cette faculté doit donc être accompli par tous ceux qui suivent cette voie

On pourrait, par les moyens qui viennent d'être décrits, parvenir à une certaine connaissance des forces éthériques ; mais on ne parviendrait pas encore à les percevoir. Il faudrait pour cela éveiller les organes d'un sens nouveau. Ce serait une des formes de la clairvoyance.  

Ainsi que nous l'avons indiqué, cette question sort du cadre de cet ouvrage. Indiquons seulement que, pour y parvenir normalement, il serait nécessaire d'exercer encore d'autres facultés. C'est l'être humain tout entier qui doit être développé. Les forces de l'âme et celles de l'esprit doivent être renforcées parallèlement à celles du corps éthérique et de la pensée. Ceci exige d'autres connaissances et d'autres méthodes. Nous aurons l'occasion de les indiquer au cours des chapitres suivants.



[1] L’Initiation ou Comment acquérir des connaissances des mondes supérieurs ? Paris, Triades.
[2] Voir : Guenther Waschmut, Le Monde Éthérique.
[3] Voir E. Pfeiffer : Fécondité de la Terre et Guide pratique pour l’application de la méthode biodynamique (épuisé), ainsi que Visage de la Terre. »- Triades.
[4] Ces expériences ont été poursuivies depuis plus de vingt ans dans les laboratoires du Goethéanum (Suisse) qu’a fondés le Dr E. Pfeiffer et reprises par plusieurs médecins d’Europe et d’Amérique.  C’est également dans les laboratoires du Goethéanum qu’ont été réalisées par m. Schiller les expériences sur la sensibilité de la flamme au son, dont nous parlons plus haut.

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