LA DUALITÉ HUMAINE
L'autonomie n'a pas les mêmes conséquences dans le
monde physique, où les réalités spirituelles sont voilées à la conscience
humaine, que dans le monde spirituel où on les contemple face à face. Dans le
monde physique, l'acte libre, créateur, n'a pas le caractère de rébellion
contre le plan divin qu'il prendrait dans le monde spirituel.
Pendant chaque existence physique, le Moi éternel est
voilé par les ténèbres de notre inconscient. Il ne saurait agir dans la pleine lumière de
la conscience, sinon l'ego ne serait plus libre. Il suscite certaines impulsions, mais il ne
nous détermine pas. De là vient ce
sentiment d'une dualité de nature que nous ressentons en nous-même. L'adage ancien
le reconnaissait déjà. « Je vois le bien
et le mieux, mais je fais le mal. » Le
Moi éternel est là, derrière ce que nous appelons la voix de la conscience ». Ainsi s'explique que le Moi divin, quoique
toujours présent, nous reste inconnu ; qu'il possède une sagesse divine et que
nous soyons cependant sujets à l'erreur et au péché.
Le Moi éternel ne peut rester indéfiniment lié à
l'organisme humain. Il y perdrait sa nature spirituelle. Il le quitte donc à intervalles réguliers pour
réintégrer sa patrie spirituelle. Il le
fait chaque nuit pendant le sommeil. Il le
fait après la mort, jusqu'à une nouvelle naissance.
Grâce à la liberté acquise dans le monde
physique, il jouit dans le monde spirituel d'une certaine autonomie, partant
d'une certaine conscience de lui-même. On
n'est conscient, en effet, que dans la mesure où l'on peut s'opposer au milieu
dans lequel on se trouve. Parce qu'il a
acquis l'autonomie, le moi n'est plus simplement du spirituel perdu, confondu,
dissous dans l'océan spirituel du monde divin. Sans doute il est encore un être spirituel,
donc un reflet, une image de Dieu. Mais
il en est de lui comme d'une image dans la glace qui cesserait d'être un simple
reflet, qui peu à peu prendrait une expression, une mimique personnelle, ne
suivrait plus exactement les gestes de celui qui se mire, mais se mettrait
d'elle-même en mouvement.
Cette autonomie est encore bien faible, bien fragile. À mesure que le moi pénètre plus avant dans le
monde spirituel, elle se dissipe, elle fond à l'ardeur du feu divin. (Il s'agit ici d'images empruntées au monde
physique, inadéquates par conséquent aux réalités du monde spirituel, mais
indispensables à notre intelligence.)
Si le moi demeurait dans le monde spirituel, il
perdrait entièrement sa conscience, son individualité, il retournerait au divin
impersonnel. Il entrerait en « Nirvâna »,
il suivrait la voie que préconisent les maîtres hindous.
Pour accomplir sa mission, il faut donc
qu'il redescende vers la terre, qu'il se lie de nouveau à un organisme humain. À chaque descente il peut s'incarner un peu
plus profondément, car il a appris à élaborer toujours mieux l'organisme auquel
il se lie.
Une soif plus grande
de liberté, un sentiment plus vif de la personnalité sont les conséquences de
cette incarnation plus profonde.
LIBERTÉ ET PÉCHÉ
Mais c'est ici le point culminant de ce grand drame
cosmique qui se joue autour de la personnalité humaine. Une liberté plus grande
augmente aussi les occasions d'erreur, de fautes, de péchés, de crimes. Lorsqu'après la mort le moi emporte les fruits
de l'existence qui vient de s'écouler, que présente-t-il au monde spirituel ? Des œuvres que nous appelons bonnes parce
qu'elles sont conformes au plan divin, ou compatibles avec lui. Mais d'autres y sont nettement contraires,
elles doivent en être rejetées.
Si ces dernières l'emportent, l'autonomie du
Moi éternel diminue ; sa conscience, son individualité disparaissent ; sa
mission est manquée ; l'âme humaine, son grand'œuvre, qu'il a patiemment
élaborée, qu'il a arrachée au monde périssable, est rejetée par le monde
spirituel, condamnée, perdue.
La liberté est nécessaire pour que le moi conserve sa
conscience, son individualité. Comment
concilier cette nécessité avec les conséquences de la liberté, les fautes
qu'elle occasionne ? Le problème n'a pas
toujours été posé exactement dans ces termes, mais il a été entrevu par un
grand nombre de religions et tout particulièrement par le christianisme. Le fait que la liberté dont l'homme doit jouir
entraîne la possibilité du péché, la fasse même naître, a été ressenti comme le
péché originel. La nécessité de la
liberté a été vue clairement par le christianisme primitif. C'est le point essentiel de l'enseignement de
saint Paul.
Comment ce drame pouvait-il être dénoué sur le plan
universel, sur le plan cosmique ? Il a
fallu qu'un être divin prenne à sa charge les conséquences néfastes de la
liberté, les fautes, les péchés qu'elle entraîne. Ce fut la mission du Christ. Il est « l'agneau de Dieu qui enlève le péché
du monde ». Grâce à lui, l'âme humaine,
toujours plus libre, peut, malgré ses fautes, être sauvée, acceptée dans le
monde spirituel.
PEUT-ON PROUVER L'ESPRIT ?
De notre longue et patiente recherche, de notre «
quête » du moi, que rapportons-nous ?
Beaucoup de choses, si nous tenons compte de tout ce
que nous avons emprunté à l'enseignement de la science spirituelle.
À peu près rien si, fidèles à notre dessein, nous ne
retenons que les notions acquises uniquement par nos facultés normales
d'observation, de jugement, de pensée, à l'exclusion de toute connaissance
obtenue par la clairvoyance.
Dans ce dernier cas, il faut reconnaître que nous n'en
savons guère plus sur le moi que ce que nous aurions pu apprendre dans un
manuel quelconque de philosophie : « le moi est une donnée immédiate de la
conscience », une notion qui s'impose à nous sans que nous puissions établir
son bien-fondé.
Nous ne pouvons
reconnaître qu'une chose : aucune pensée, aucun raisonnement, aucune
connaissance ne serait valable si nous ne l'admettions pas comme
indiscutablement établi. Aucune pensée,
aucune connaissance ne serait en effet possible si nous supposions que les
choses et nous-même peuvent à la fois être et ne pas être.
Il y a pourtant quelques acquisitions à notre actif.
Pour avancer, au cours de notre recherche du moi, nous
avons dû, à chaque pas, utiliser l'enseignement de la science spirituelle. Puis nous avons découvert que les données ainsi
empruntées nous permettaient d'expliquer certaines expériences de notre vie
intérieure et aussi certains faits historiques comme l'opposition de
l'hindouisme et du christianisme ou encore une évolution dans l'attitude de l'Église
au cours des premiers siècles chrétiens.
Ce sont là des faits que tous les historiens
des religions constatent, mais dont la science spirituelle révèle le sens.
Ainsi, en prenant pour hypothèse de travail les
données de la science spirituelle, nous avons reconnu qu'elles pouvaient nous
aider à expliquer certains faits. C'est une méthode que nous avions adoptée au
début pour la commodité et la clarté de l'exposé. Désormais il est impossible
de procéder autrement. Or, l'hypothèse
de travail est une méthode qu'on admet comme valable dans certaines disciplines
scientifiques. Il en est ainsi dans les
sciences qui, par la nature même des faits qu'elles étudient, ne peuvent
employer la méthode expérimentale, et tout particulièrement dans les sciences
historiques. Lorsqu'un historien veut
expliquer certains événements qu'il constate, comment procède-t-il ? Il forge une hypothèse de travail et recherche
si elle peut rendre compte de ces faits. Dans l'affirmative, il la considère comme
valable, sinon comme prouvée. C'est une
méthode, en effet, qui ne présente pas un caractère de rigueur absolue.
Les résultats qu'elle permet d'obtenir ne
s'imposent pas à tous les esprits. Ils laissent
toujours place à pas mal d'incertitude. Aussi
voit-on les théories historiques ou sociologiques s'effondrer aussi facilement
qu'elles s'échafaudent. En matière
historique, dès qu'il ne s'agit plus de constater simplement les faits, mais de
les interpréter, on ne peut jamais apporter de preuves telles que tout homme
raisonnable soit contraint d'accepter telle interprétation. Des opinions
individuelles peuvent s'affronter, ce qui serait impossible en mathématiques ou
en chimie. Pour interpréter des faits historiques, on reste libre.
Nous tenons ici la clé du mystère, la raison de cet
extraordinaire obstacle auquel nous nous sommes heurtés à chaque pas au cours
de notre recherche.
Nous la tenons, mais
à condition de faire appel une dernière fois aux données de la science
spirituelle. Elle nous enseigne que nous
devons rester libres en face du spirituel. Il ne faut donc pas que nous soyons contraints
d'en admettre l'existence. Il est nécessaire que nous conservions une large
liberté d'opinion pour interpréter les faits où la marque, la signature de
l'esprit peut être relevée.
Des preuves
péremptoires, indiscutables, ne nous laisseraient pas libres.
Nous ne sommes pas libres d'admettre que deux
et deux fassent trois ou cinq ou que la somme des trois angles d'un triangle
fasse plus ou moins la valeur de deux angles droits ou 180°. Nous sommes contraints d'admettre la plupart
des faits que constate la physique ou la chimie et les lois qu'on en tire. Mais le spirituel, lui, ne doit pas nous être
imposé de l'extérieur, par démonstration péremptoire, pas plus que par
autorité. Il ne peut être atteint par
une âme qui resterait passive.
Il faut
que nous allions au devant de lui, que notre âme ne s'incline pas seulement
devant les preuves qu'on lui apporte, mais que, de son propre mouvement, elle
parte à la recherche du spirituel, comme les chevaliers de la légende à la
quête du Graal. C'est seulement par une
activité de notre vie intérieure que nous pouvons atteindre l'esprit. Il faut en outre que cette activité devienne
si intense qu'elle dépasse nos facultés normales, qu'elle atteigne la
clairvoyance.
Il faut l'admettre : par l'observation, par le
jugement, par le raisonnement, nous ne pouvons acquérir une expérience directe
du spirituel, pas plus que par des démonstrations matérielles.
Ce ne sont pas seulement les problèmes relatifs au moi
qui échappent ainsi à nos facultés normales. Tous les faits d'ordre spirituel
ne peuvent être ni atteints, ni établis, ni prouvés de façon assez péremptoire
pour ne laisser aucun doute dans l'esprit.
Il en est ainsi, notamment :
de l'existence de Dieu et des êtres spirituels; de la
vie après la mort ;
de la réincarnation ;
du problème de la liberté et du libre arbitre;
de la mission du Christ et même de son existence
physique.
Ce sont là des questions qui doivent rester ouvertes,
pour que soit sauvegardée la liberté humaine en face du spirituel. Cela signifie-t-il qu'aucune connaissance ne
soit possible aux hommes dans ce domaine ?
Non certes, puisqu'on peut y atteindre par le
développement de facultés supranormales, par la clairvoyance.
Mais pour ceux qui ne la possèdent pas ou ne
peuvent l'acquérir, n'y a-t-il aucune ressource ? Oui il y en a une, par la méthode qui vient
d'être indiquée : en examinant les données recueillies par clairvoyance et en
recherchant si elles s'appliquent aux faits qu'on peut constater.
C'est une
méthode qui laisse place à bien des interprétations, à bien des doutes. Oui, mais l'étude, le travail sur la pensée,
la méditation développent peu à peu chez ceux qui les pratiquent un sens de la
vérité qui est déjà proche des facultés supranormales et qui peut les guider.
L'EXPÉRIENCE DU SPIRITUEL
Dès le début de cette étude, nous avons remarqué qu'il
nous faudrait employer plusieurs méthodes pour parvenir à une connaissance des
mondes suprasensibles ; des méthodes qui sont de différentes natures. Chacun de ces mondes ne peut être atteint que
par un mode d'investigation qui lui soit propre, qui lui soit adapté.
En ce qui concerne le monde éthérique, l'observation
de la métamorphose des formes, l'expérience sensible-suprasensible, nous ont
permis d'aller fort loin dans son étude.
L'introspection nous a ouvert les portes du monde astral. Le chemin que nous avons suivi, après nous
avoir fait ainsi traverser le monde
éthérique et le monde astral, s'arrête au seuil du monde spirituel. Ici, l'emploi d'un nouveau mode
d'investigation devient nécessaire. Si
nous voulons pénétrer plus avant, nous ne le pouvons que grâce à une expérience
intérieure nouvelle. Ni l'observation du
sensible, ni l'étude de nos états d'âme conscients ne peuvent nous aider. Il est nécessaire de développer nos facultés
suprasensibles, d'atteindre à la clairvoyance. Il faut que nous ayons la force et le courage
de pénétrer dans l'inconnu.
Toutes les mystiques, toutes les initiations anciennes
ont connu et décrit ce moment critique.
Les mystiques chrétiens l'ont dénommé, à la suite de
saint Jean de la Croix, le « passage dans la nuit obscure ». Dans son poème célèbre, le grand mystique
chrétien chante en effet l'événement dans ces termes :
« Par une nuit obscure,
« O la merveilleuse aventure
« Je suis sorti sans être
vu. »
Les mystes[1] de l'époque gréco-latine symbolisaient
le même événement par le « saut de Leucade ». Ce saut était représenté dans la grande
fresque décorant l'abside de la basilique pythagoricienne de la porte Majeure à
Rome.
D'après la légende, la poétesse
Sapho, amoureuse d'Apollon, se trouvait sur une falaise de l'île de Leucade,
lorsqu'elle aperçut son divin amant qui, sur une île voisine, l'appelait. Elle n'hésita pas pour le rejoindre à plonger
du haut de la falaise qui dominait à pic la mer. Un miracle se produisit. Les vents la portèrent jusque dans les bras
d'Apollon, à qui elle fut ainsi réunie à jamais.
Dans tous les pays et sous des affabulations très
diverses, de nombreuses légendes nous
montrent des êtres humains, généralement des femmes, qui sautent ainsi du haut
d'une tour ou d'un rocher pour rejoindre celui qu'elles aiment ou pour échapper
à des ennemis qui les traquent. Ces légendes retracent le souvenir d'anciennes
initiations.
Si le saut dans la nuit obscure ou dans l'abîme n'est
plus qu'un symbole chez les mystiques ou chez les initiés des époques
classiques, il était réellement exécuté dans des temps plus reculés au cours
des épreuves initiatiques. On affirme que des mystes plongeaient effectivement
dans la mer du haut de la falaise de Leucade à l'endroit où Sapho se serait
élancée vers Apollon. Au cours de certains rites, on obligeait les mystes à
sauter dans un puits obscur sans qu'ils sachent ce qui les attendait au bas et
s'ils ne s'y rompraient pas les os. C'est
ce qu'on appelait souvent l'épreuve de l'air. La chute, l'angoisse du péril couru avaient
pour effet d'entraîner une rupture momentanée des liens unissant le corps physique
et le corps éthérique.
Cette rupture se
traduisait dans la conscience du myste par des expériences spirituelles
profondes.
On n'obtiendrait plus aujourd'hui, par ces moyens, les
mêmes résultats, parce que nos corps éthériques sont devenus beaucoup moins
souples. Des plongeurs, des
parachutistes font chaque jour des sauts plus impressionnants et surtout plus
prolongés que les mystes d'autrefois. Ils
n'en tirent aucune expérience spirituelle. On peut remarquer cependant que dans des cas d'accidents
par chute grave, lorsque la victime échappe à la mort, elle raconte souvent
qu'elle a eu pendant la chute des expériences qui l'ont beaucoup frappée : elle
a revu toute sa vie d'un seul coup, en une sorte de panorama, ou, plus
rarement, elle a eu une sorte de vision cosmique des forces agissant dans
l'univers. L'angoisse de l'accident,
jointe à la chute éveille un lointain écho des expériences par lesquelles
passaient les mystes de l'Antiquité.
Aujourd'hui ce n'est plus par un artifice extérieur
qu'on peut parvenir à l'expérience spirituelle, mais uniquement par une activité
accrue de la vie intérieure. Cette
activité doit être déclenchée par notre volonté consciente et
libre et non par des exercices sportifs imposés par un mystagogue.
Sur quoi doit porter cette activité?
Nous avons eu l'occasion, au cours de cet ouvrage,
d'indiquer quelques-uns des points de passage indiqués par Rudolf Steiner comme
les plus favorables pour « faire le saut » de nos facultés normales aux facultés
suprasensibles.
Dans notre étude sur l'éthérique, nous avons vu
comment la méditation sur la graine d’une plante peut amener le développement
des organes de perception de l'éthérique.
La construction du symbole et l'exercice sur la
représentation à rebours d'une suite d'événements pour constater l'inversion du
temps, nous ont ouvert des portes sur
le monde astral.
COMMENT SAISIR LE MOI
En ce qui concerne les points de passage vers le
spirituel, vers le Moi profond, Rudolf Steiner en indique trois.
Nous pouvons trouver le premier de ces passages en
approfondissant l'expérience de la destruction et reconstruction du corps
physique.
Nous avons rencontré cette
expérience en étudiant les rapports de l'éthérique et de l'astral.
Nous avons vu qu'en Inde, en Grèce, le culte
des dieux qui expriment dans leur nature complexe ce phénomène de destruction
et reconstruction du corps, a éveillé des mouvements mystiques et religieux
fort importants.
Il est bien entendu
qu'il ne saurait être question de ressusciter des cultes qui correspondaient à
un état de développement spirituel de l'humanité bien différent du nôtre. Les faits que nous avons cités n'ont pour nous
qu'un seul intérêt : ils nous montrent que le phénomène du renouvellement de
l'organisme peut être la source d'une expérience religieuse profonde.
Nous savons tous que nos cellules meurent. D'après les
calculs des physiologistes, notre corps est entièrement renouvelé au bout de
sept ans environ. Ainsi il ne subsiste
rien aujourd'hui de ce qu'était notre corps il y a sept ans. Le fait est bien connu, mais c'est une
connaissance purement intellectuelle. Il
faut que nous ayons la force de la transformer en une expérience intime, vécue.
C'est le nœud du problème et c'est là
aussi que se rencontre la difficulté. Il
peut être plus facile pour la vaincre de ne pas l'aborder de front. Le travail sur un tel problème ne peut être
fructueux qu'après une étude approfondie des forces éthériques et de l'astral,
ainsi que de leurs rapports dans la nature et les êtres vivants. C'est un travail de second degré, s'il est
possible de s'exprimer ainsi.
Comment pourrait-on par cette expérience parvenir à
une connaissance du moi ? Nous l'avons
déjà indiqué. Les formes du corps
humain, son plan de construction sont déterminés par la présence du moi, lié
intimement à l'organisme. Il y aurait
donc lieu de se concentrer tout particulièrement sur ce qui est spécifiquement
humain dans notre organisme, sur ce qui s'exprime par la faculté de se tenir
debout, celle de parler et celle de penser.
Les Anciens l'avaient déjà
pressenti. Les mystères d'Éleusis
comportaient, outre les cérémonies cultuelles, des courses à pied et un
concours d'éloquence. Rudolf Steiner a
maintes fois insisté sur l'importance de ces trois facultés et sur le fait
qu'elles sont étroitement liées. En
elles s'exprime la nature spirituelle de l'être humain.
Dans
le plan de construction de l'organisme qui constitue le corps éthérique, nous
pouvons donc, dit Rudolf Steiner, trouver une image du moi.
Nous
pouvons en second lieu connaître le moi dans le corps astral. On y
parvient ici par un approfondissement de l'expérience que nous avons déjà
décrite à propos de la construction des symboles.
L'exercice sur la construction des symboles
doit s'épanouir, dit Rudolf Steiner, en une expérience intérieure, celle de
notre autonomie spirituelle. Nous constatons qu'en construisant le symbole,
nous dépassons notre vie psychique ordinaire. Nous percevons que notre activité intérieure
n'est plus déterminée uniquement par nos sens. Nous pouvons contredire l'adage d'après lequel
« il n'y a rien dans la pensée qui n'ait été d'abord dans les sens ».
Nous
prenons donc conscience d'une activité intérieure qui n'est déclenchée par rien
d'autre que notre propre volonté. Cette intervention de la volonté dans
l'activité pensante nous permet de passer de l'astral au moi.
Enfin on peut atteindre
le moi dans le spirituel. « Dans ce cas »,
écrit Rudolf Steiner, « le moi se révèle comme une essence spirituelle existant
par elle-même et, jusqu'à un certain point, indépendante dans son univers
spirituel ».
On parvient ainsi à la
connaissance des faits que nous avons décrits en étudiant le moi, et en
exposant les conditions et les raisons de son autonomie dans le monde
spirituel.
On peut se préparer à
cette expérience par l'exercice de « la pensée sur la pensée », souvent indiqué
par Rudolf Steiner. Comment pensons-nous ? Comment les idées, les images
s'accrochent-elles les unes aux autres pour former ce que nous appelons notre
pensée ?
La pensée de chacun se forme, s'organise d'une façon différente. On peut s'en rendre compte en étudiant comment
les idées s'enchaînent ou s'appellent chez un philosophe ou un littérateur.
On se rend compte ainsi de la façon dont
s'exerce la faculté d'invention de la pensée. Or cette faculté d'invention est une manifestation du moi.
Elle constitue en outre
un acte libre, qui est la marque d'un moi, d'un être indépendant, autonome dans
le monde spirituel. Tels sont, d'après Rudolf Steiner, les points de passage
par lesquels nous pourrions continuer notre quête du spirituel au-delà du point
où s'arrête le chemin que nous avons suivi.
CONCLUSION
Nous voici parvenus au bout de la route que nous
avions projeté de parcourir.
Le problème posé était le suivant : l'enseignement que
nous donne la science spirituelle sur les mondes suprasensibles constitue-t-il
une véritable science, ou bien n'est-ce qu'une révélation à laquelle on ne
puisse adhérer que par la foi ? Jetons
un dernier coup d'œil sur le chemin que nous avons parcouru pour trouver une
réponse à cette question.
La science spirituelle possède des modes
d'investigation, des méthodes qui lui sont propres. Ceci n'a rien d’illégitime. Chaque ordre de faits dans le monde physique
ne peut être connu que par des disciplines appropriées.
Les faits ne sont pas établis par les mêmes
moyens si on passe des mathématiques à l'histoire ou aux sciences naturelles,
et la façon de penser varie, elle aussi, d’une science à l'autre.
Pour parvenir à une connaissance des réalités que la
science spirituelle cherche à atteindre, il faut donc s'habituer à diriger son
observation sur un aspect des faits que les sciences de la nature laissent de
côté, parce qu'il n'est pas de leur domaine. Il faut aussi s'habituer à les penser d'une
façon nouvelle. Cet entraînement
progressif constitue bien un chemin, une voie de développement qui nous ouvre
peu à peu des domaines jusqu'ici ignorés.
C'est le chemin que nous avons suivi. Nous avons voulu, de propos délibéré, n'avoir
recours dans nos investigations qu'à nos facultés ordinaires et normales. Rudolf Steiner, en effet, a maintes fois
affirmé que pour admettre les enseignements de la science spirituelle, même
pour vérifier, au moins en partie, son bien-fondé, il n'était nécessaire de
faire appel qu'aux facultés que tout homme possède : observation, jugement, bon
sens. Nous avons voulu vérifier s'il en
était bien ainsi.
Nous avons vu qu'en ce qui concerne le monde
éthérique, l'observation des êtres vivants permet de vérifier dans leurs points
essentiels les affirmations de la science spirituelle. Les données ainsi obtenues peuvent être
considérées comme aussi sérieusement établies et prouvées que beaucoup de
vérités scientifiques officiellement admises.
La nature même des faits par lesquels se manifeste le
monde astral permet moins de rigueur dans la démonstration. Les faits d'ordre
psychologique sont toujours fluides ; ils laissent place à des divergences
d'interprétation. D'ailleurs la
psychologie officielle se heurte aux mêmes difficultés. Sur ce terrain encore, la science spirituelle
se trouve sur un pied d'égalité avec les autres disciplines scientifiques.
Nous ne pouvons, par nos facultés normales, atteindre
les faits d'ordre spirituel. Ils leur
échappent. Nous l'avons reconnu. Mais la science spirituelle a au moins un
mérite. Elle peut expliquer pourquoi.
En outre, si les réalités du monde spirituel ne
peuvent être saisies directement par nos seules forces, elles nous ont été
minutieusement décrites par Rudolf Steiner. Leurs effets, leurs conséquences dans le monde
physique ont été indiqués, expliqués. Nous pouvons donc, a posteriori, examiner
si les faits correspondent bien à l'enseignement donné. Si cette méthode est la moins rigoureuse de
toutes, elle est cependant employée et reconnue comme légitime, nous l'avons
vu, dans maintes disciplines scientifiques.
Enfin
il est un point qu'il ne faut pas perdre de vue : l'enseignement de la science
spirituelle n'est pas une suite disparate de données éparses, sans liens.
Elle forme au contraire un ensemble
coordonné où tout se tient et s'enchaîne, une unité organique. On serait tenté parfois de la comparer à l'un
de ces grands systèmes philosophiques où les penseurs les plus puissants se
sont efforcés de réunir en une vaste synthèse toutes les connaissances
humaines.
De ces grands systèmes, la
science spirituelle a l'envergure. Mais
elle en diffère cependant par la façon dont elle est construite. Les systèmes philosophiques forment un
ensemble où tout est ordonné autour d'un point central d'où tous les détails
sont logiquement déduits, où tous peuvent être logiquement ramenés. Cette notion centrale peut être formulée en
une ou quelques propositions simples. Le
mot « système » exprime de façon claire cette formation d'une synthèse par
coordination logique. La science
spirituelle n'a pas ce caractère. Elle ne pourrait être comparée qu'à une
formation organique.
Or, un être vivant
ne possède pas un organe central d'où tous les autres tireraient leur existence
et auquel on pourrait tous les ramener. Tous coopèrent conjointement à l'unité
de l'être. Tous sont indispensables à la
vie, aucun n'est le point essentiel dont tout l'organisme dérive. Le cœur et le système sanguin ne sont pas
davantage le centre de l'être que le cerveau et le système nerveux. Le système
respiratoire n'est pas moins nécessaire que le système digestif ou les glandes
endocrines. Tous sont cependant liés et
réagissent les uns sur les autres ; aucun ne peut subsister hors de l'ensemble
qu'ils constituent.
De même, dans la science spirituelle, le monde astral
et ses particularités ne sauraient être logiquement déduits des descriptions
qu'on nous donne du monde spirituel ; le monde éthérique n'est pas la
conséquence du monde astral et il n'en tire pas son origine. Et cependant tous
ces éléments son~ indispensables. Ils forment un tout, un ensemble vivant qui s'exprime dans la vie de l'univers et dans la vie de l'être humain. Nous ne
saurions ni nous comprendre, ni comprendre l'univers si nous ne voyions pas
tous ces éléments réunis en un ensemble organique et chacun à sa place dans son
rôle et sa fonction bien déterminés. La
science spirituelle est la conception globale vivante d'un univers vivant. Ce n'est pas une construction logique,
abstraite, systématique.
Dans ces conditions, on ne saurait en détacher une
partie ; admettre par exemple l'existence des forces éthériques parce qu'elle
paraît la plus solidement fondée et rejeter le reste de l'enseignement. Ce serait aussi inintelligent que d'admettre
l'existence d'un système nerveux qui vivrait tout seul, séparé de tout
organisme.
On admet d'ordinaire dans les sciences qu'une
hypothèse qu'on ne peut vérifier peut être reconnue comme valable lorsqu'elle
s'accorde avec des données qui ont été solidement contrôlées et éprouvées,
lorsque l'ensemble forme un tout.
On doit équitablement appliquer la même règle à la
science spirituelle. Si nous pouvons considérer comme sérieusement établies
certaines de ses données, nous devons admettre comme valables, jusqu'à preuve
du contraire, des affirmations que nous ne pouvons prouver, mais qui
s'accordent organiquement avec ce qui a été reconnu vrai. Le fait que nous pouvons contrôler, par nos
facultés ordinaires, une partie importante de l'enseignement, nous autorise à
admettre les données que nous ne pouvons pas vérifier, au moins sous bénéfice
d'inventaire. On peut leur accorder un « préjugé
favorable ». Il est donc normal et
légitime de les prendre comme hypothèse de travail.
Il résulte de notre examen que la science spirituelle
a droit au titre de science. Ses
affirmations peuvent être vérifiées par des méthodes qui sont reconnues comme
valables lorsqu'on les applique aux sciences officielles.
On doit donc, à tout le moins, les prendre en
considération.
En sera-t-il vraiment ainsi? Non certes. Il se trouvera un grand nombre de bons
esprits, solides, intelligents, cultivés, formés aux disciplines scientifiques,
philosophiques ou religieuses, qui s'insurgeront. Plus on leur apportera de preuves, d'arguments
sérieux, plus il se rebelleront, tandis qu'ils supporteraient, accepteraient
même une vague et nuageuse religiosité sentimentale. Pourquoi cela ? Il appartient à une science du spirituel de
l'expliquer.
Nous avons vu qu'en face des problèmes que pose le
spirituel, l'homme doit, à l'époque actuelle, rester libre. Il a droit à cette liberté.
Tous ceux qui ont compris cet enseignement doivent
donc tout d'abord, dans des cas de ce genre qui sont très fréquents, respecter
entièrement cette liberté, ne jamais s'efforcer de prouver à tout prix, ni se
faire fort d'apporter des arguments destinés, croient-ils, à forcer la
conviction.
Ils doivent chercher à comprendre leurs
contradicteurs, sans jamais les accuser, même intérieurement, d'étroitesse
d'esprit, d'entêtement dans des préjugés ou de mauvaise foi.
Parmi ces détracteurs, il s'en trouvera de plusieurs
catégories.
Tout d'abord des hommes qui sont profondément
préoccupés des problèmes d'ordre spirituel, mais qui, inconsciemment, ne se
sentent pas la force de les aborder directement, de front, par eux-mêmes, et
d'être seuls, en pleine conscience, en face d'une décision et d'une direction
spirituelle à prendre.
Devant leur
regard intérieur, ils aiment que le spirituel miroite, comme un étang au
crépuscule, dans une brume un peu indistincte, à la marge, à la frange de la
conscience. Il leur semble qu'ils
défloreraient le spirituel en s'efforçant de le penser, de le discuter. Ils
veulent y joindre un sentiment de chaleur intérieure et non de froides vues de
la pensée. Ils ressentent le besoin
d'être enveloppés, portés, bercés par les formes religieuses. Leur faiblesse intérieure doit être soutenue
par un directeur de conscience. Il leur
faut un marchepied pour atteindre au spirituel ; ils ne peuvent l'aborder que
par le truchement des rites, des cérémonies, des sacrements. Ils s'échauffent à la chaleur communicative
des prières publiques ; leur conscience se voile légèrement et s'irise au
rythme lénifiant des chants liturgiques. Ils se sentent apaisés. Ils sont rassurés lorsqu'ils pénètrent dans le
spirituel au milieu de toute une foule. Tout seuls ils auraient peur de n'être
pas « dans le bon chemin ». S'ils se risquent à la prière ou à la méditation
solitaires, il faut au moins que ce soit dans des formes éprouvées, décrites,
conseillées par une tradition plusieurs fois millénaire.
Il faut se garder d'essayer de troubler la conviction
ou la foi de ces hommes, surtout si elle leur apporte vraiment la paix
intérieure. Ce sont des âmes encore trop
jeunes pour la science spirituelle. On
peut au contraire les aider en leur communiquant, sans les inquiéter par
l'origine, des données judicieusement choisies de la science spirituelle qui
puissent apporter un peu plus de solidité à leur conscience.
Il est une autre catégorie d'hommes qui ne ressentent
aucun besoin de connaissance spirituelle. Ils doivent être laissés, eux aussi,
entièrement en paix ; leur destin, leur karma les écarte, pour cette
incarnation, de tout problème autre que ceux du monde physique. Ce n'est pas
une preuve de fermeture d'âme ou de non-valeur. C'est l'indication que, karmiquement, ils
doivent rester actuellement étrangers à toute préoccupation spirituelle.
Le plus grand nombre des détracteurs de la science
spirituelle, les plus ardents aussi, sont tous ceux qui, inconsciemment, ont
peur du spirituel. Rudolf Steiner a
souvent répété que la peur du spirituel est une des caractéristiques les plus
frappantes de l'âme moderne. Il y a un
nombre considérable d'hommes qui ne peuvent pas supporter qu'il existe quoi que
ce soit de spirituel. Pour eux il ne
s'agit même pas de discuter le problème ; ils ne tolèrent pas qu'il soit posé. Ce n'est pas leur pensée qui rejette des
arguments, c'est leur volonté qui s'insurge ; une volonté issue de leur
inconscient et qui s'impose à eux avec une violence irraisonnée qu'ils ne sont
pas maîtres de discuter.
Si on essaie de
les convaincre, si on leur apporte des arguments qui paraissent sérieux, qu'ils
craignent de ne pouvoir réfuter, ils ripostent par la colère ou par la haine. Ils supporteraient n'importe quelle
superstition, même la plus grossière, parce qu'elle est sans prise sur eux. Ils tolèrent les religions ; elles sont sans
attrait à leurs yeux. Ils se disent et
se croient larges d'esprit, impartiaux, objectifs. Ils affirment posséder « l'esprit scientifique
».
Mais l'idée seule qu'on puisse
étudier scientifiquement les mondes suprasensibles leur paraît intolérable, car
ils sentent qu'ils pourraient être obligés d'admettre l'existence de ce
spirituel qu'ils veulent à tout prix écarter d'eux.
Pour les comprendre, il faut se souvenir qu'à notre
époque la plupart des êtres humains doivent passer par une expérience capitale
: ils doivent se sentir entièrement coupés du spirituel ; il faut qu'ils aient
la conviction d'être sur terre en face d'un monde purement physique. C'est le seul moyen de faire l'apprentissage
de la liberté, de sentir qu'on doit diriger par soi-même et par ses propres
forces sa vie morale, sa pensée, toute sa vie intérieure. On apprend ainsi qu'on peut se poser à
soi-même ses propres buts, qu'on peut devenir un être autonome.
Nous avons vu qu'acquérir cette conviction de
la liberté, de l'autonomie, peut être la première des expériences
supranormales, une de celles qui ouvrent la porte des mondes supérieurs. On voit aussitôt comment il peut être
nécessaire qu'à notre époque tant d'hommes fassent cette expérience, même sous
forme inconsciente. Ils passent par une
épreuve qui sera capitale pour leurs existences futures. Il faut donc qu'ils s'écartent du spirituel ;
et cela se traduit en eux par la peur.
Faut-il donc abandonner tout désir de voir les hommes
d'aujourd'hui se frayer un nouveau chemin vers l'esprit ? Non certes. Il faudrait au contraire pouvoir retracer,
devant le plus grand nombre d'esprits possible, les images des mondes
suprasensibles que décrit la science spirituelle. Il y a en effet dans ces images mêmes une
force d'éveil des facultés suprasensibles, ou tout au moins d'un sens de la
vérité qui en est tout proche. À un
autre point de vue, c'est le devoir strict de tous ceux qui ont reçu l'enseignement
de la science spirituelle de le donner à leur tour. En contrepartie il est sain, pour leur propre
développement, de le faire.
Pour bien comprendre comment il faut agir vis-à-vis
d'êtres qui ne recherchent pas par eux-mêmes la connaissance des vérités
d'ordre spirituel, il faut bien se rappeler que la science spirituelle n'a pas
seulement pour but d'éveiller l'intelligence. Elle vise un développement complet de l'être
humain. De propos délibéré, nous avons,
dans cet ouvrage, restreint notre étude au problème de la connaissance et des
méthodes sur lesquelles on peut légitimement la fonder. Il est juste, lorsqu'on aborde un enseignement,
d'éprouver s'il est solidement établi.
Il
est normal également que, se trouvant brusquement mis à même de puiser dans la
masse immense de faits que nous révèle la science spirituelle, on se sente
avide de connaissances. On voudrait tout
absorber. On ressent une sorte
d'ivresse. Il semble que des pans de
murs s'écroulent, que des horizons immenses sont brusquement dévoilés ; on
perçoit des rapports nouveaux entre les faits ou les choses, des enchaînements
inattendus. On a l'impression délicieuse
de mieux comprendre toutes choses, de devenir plus intelligent. C'est un sentiment naturel sans doute, mais il
ne faut pas s'attarder à cette griserie intellectuelle, s'y complaire, en faire
le seul but de ses efforts. Si on en reste là, il se développe rapidement un
peu de vanité jointe à de la sécheresse. On ne porte plus d'intérêt qu'à une sorte de
jeu intellectuel ; et l'attrait d'un jeu, si passionnant soit-il, diminue tôt
ou tard.
On passe ainsi à côté du but
qu'on aurait pu atteindre.
C'est une transformation de l'être humain tout entier
qui doit s'opérer, et pas seulement de l'intelligence. Il faut se souvenir que le chemin de
développement que la science spirituelle nous propose ne comporte pas seulement
le renforcement de l'activité de la pensée, sur lequel nous avons uniquement
insisté dans ce livre, mais aussi le développement moral que décrit Rudolf
Steiner, notamment dans son ouvrage écrit L'Initiation.
Si nous savons joindre ce développement
moral à l'activité de la pensée, alors vraiment la science spirituelle devient
vivante, et nous vivifie en métamorphosant, en transmuant tout notre être.
Ceux qui nous entourent ressentent beaucoup plus
profondément les qualités ainsi acquises que tous les arguments et toutes les
preuves que nous essaierions de leur apporter, les faits et les descriptions
dont nous voudrions les émerveiller. Ils
seront frappés de l'objectivité dans les jugements, de l'absence de passion
dans les opinions, du sens de la vie que nous pourrons manifester dans tous les
domaines de la vie courante.
Si nous
avons pu acquérir de la fermeté dans nos décisions, de la présence d'esprit et
du courage devant les événements inattendus, de la sérénité dans les épreuves,
ils le reconnaîtront. Ils demanderont
d'où nous viennent ces facultés. Il n'y
aura pas de raison de le leur cacher. Ils
n'adhéreront peut-être pas à nos convictions, mais ils auront au moins pour
elles du respect. Ils comprendront
peut-être ce qu'est vraiment dans son essence la science spirituelle, ce
qu'elle devrait être pour tous : une école de sagesse.
C'est sur ce mot de sagesse que nous devons terminer
ce livre. Si nous voulons, en effet,
caractériser la science spirituelle mieux que nous n'avons pu le faire dans ces
pages, si nous voulons la résumer en un mot, nous devrons dire qu'elle est une
sagesse, une sagesse humaine, une « Anthroposophie ».
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