ORIENTATION
note: les numéros entre [ ] renvoient à des explications à la fin de la publication
L’un des derniers écrits de Rudolf Steiner débute par
cette phrase :
« L'Anthroposophie
est un chemin de connaissance qui mène de l'esprit qui est dans l'homme à
l'esprit qui est dans l'univers. » La science spirituelle anthroposophique
propose donc, avant tout, un mode d'investigation des mondes suprasensibles,
une méthode, une voie de connaissance.
Il y a, certes, un enseignement anthroposophique ; il
fait l'objet des nombreux livres, cycles de conférences et cours donnés par
Rudolf Steiner.
Cet enseignement forme un ensemble cohérent, un système
philosophique qui est capable de satisfaire l'intelligence et de séduire
l'esprit; mais ce ne serait qu'une théorie parmi tant d'autres, et surtout un
pur dogmatisme pour ceux qui lui reconnaissent la valeur d'une révélation, s'il
ne s'y joignait une méthode permettant à chacun d'en vérifier personnellement les
données.
Sans cette méthode, un enseignement, si intéressant,
si puissant, si grandiose soit-il, n'aurait pas le droit de prendre le nom de
science. Il n'y a pas de science sans moyens d'investigation ouvrant, à tout
esprit qui veut s'y plier, la voie, le chemin qui conduit à la connaissance
enseignée. Rudolf Steiner a maintes fois répété qu'il ne fallait jamais « croire
» ses affirmations.
La science spirituelle n'est pas objet de foi.
L'enseignement doit être pris comme hypothèse de travail et le devoir de tous
ceux qui l'adoptent est de s'efforcer d'en vérifier, au moins pour partie, les données.
Le but essentiel de cet ouvrage
est d'examiner si, en utilisant nos facultés d'observation, de jugement, de
raisonnement, nous pouvons contrôler sérieusement les affirmations de la
science spirituelle. Pour bien délimiter le dessein que nous poursuivons
ici, il est un point qu'il faut préciser clairement.
Dans plusieurs de ses livres, Rudolf Steiner a indiqué
par quels moyens nous pouvons développer des facultés supranormales, atteindre
à la clairvoyance. Ces ouvrages seront fréquemment cités, notamment L 'Initiation,- La science de l'occulte
(chapitre sur la connaissance des mondes supérieurs), Le seuil du monde
spirituel.
Mais c'est un sujet qui ne sera pas traité ici. Il n'y
a pas lieu de récrire les livres de Rudolf Steiner; ils l'ont été de main de
maître. L'auteur des pages qui suivent ne se reconnaît, par ailleurs, ni
autorité ni compétence pour donner à qui que ce soit des directives sur ce
sujet.
Enfin Rudolf Steiner a déclaré à maintes reprises que les indications
qu'il a fournies sont suffisantes pour permettre, à tous ceux qui le veulent
sérieusement d'acquérir par eux-mêmes le degré de développement spirituel
qu'ils peuvent atteindre. Il serait donc aussi vain qu'inutile d'avoir la
prétention d'y ajouter quoi que ce soit.
Le présent livre est destiné aux personnes qui veulent
aborder l'étude de la science spirituelle. Il est naturel qu'avant de s'engager
dans ce travail, elles cherchent à s'orienter, à dégager les lignes
principales, essentielles de l'enseignement qui leur est proposé. Elles
désirent également éprouver ce qui leur est affirmé, se rendre compte de la
valeur des faits qui leur sont décrits. Elles ne peuvent le faire qu'à l'aide
des facultés qu'elles possèdent : leur jugement, leur raisonnement, leur bon
sens. Or, les données de la science spirituelle ont été obtenues par
clairvoyance.
Peut-on vérifier l'enseignement lorsqu'on ne possède
pas ce don, ou faut-il s'en remettre, avec une foi aveugle, à des affirmations
incontrôlables ?
Bien qu'obtenues par clairvoyance, nous dit Rudolf
Steiner, les données de la science spirituelle peuvent être comprises et même
vérifiées partiellement à l'aide des facultés normales imparties à tous. C'est
ce que nous tâcherons de démontrer.
Notre plan sera le suivant : Dans un premier chapitre,
nous chercherons à préciser ce qu'est une voie de connaissance puisque, nous
venons de le voir, la science spirituelle se présente dès l'abord comme telle.
Puis, par nos
propres moyens, nous suivrons le chemin indiqué, avec nos facultés
ordinaires. Nous verrons jusqu'où elles peuvent nous conduire dans la
connaissance des mondes suprasensibles que nous décrit la science spirituelle.
Nous noterons les points où les pouvoirs de ces facultés s'arrêtent, les points
à partir desquels, pour aller plus loin, il faudrait avoir recours à des
facultés supranormales. Nous jalonnerons ainsi le champ d'investigation qui est
à notre portée et les domaines qui nous échappent.
Enfin, réunissant les données que nous aurons pu
recueillir ou vérifier, nous examinerons si elles nous permettent d'affirmer
que l'anthroposophie constitue vraiment une science du spirituel accessible à
tous.
***
EXISTE-T-IL
DES BORNES
À
LA CONNAISSANCE ?
Le but proposé par l'anthroposophie : connaître
l'esprit qui vit dans l'univers, n'est certes pas nouveau. Il n'y a pas de
penseur qui ne se le soit plus ou moins proposé, mais les voies suivies pour y
parvenir sont bien différentes.
La science, surtout au XIXe siècle, a cru pouvoir
sonder et expliquer tous les mystères de la nature ; les mystiques affirment
qu'ils ont pu atteindre jusqu'au principe même de l'univers, jusqu'à Dieu; les
philosophes ont recherché la raison de toutes choses ; l'Antiquité a connu des
initiés dont l'influence sur la civilisation et la culture de leur époque est
aujourd'hui admise par les historiens.
Mais
voici que la science, qui prétendait devenir la seule source de
connaissances, suffire à les remplacer toutes, se reconnaît des limites, déclare que d'immenses domaines lui
paraissent devoir échapper irrémédiablement à ses investigations. Les
grands mystiques se font de plus en plus rares. Les philosophes n'abordent la
métaphysique qu'avec crainte. Les oracles antiques se sont tus et le secret des
mystères n'a pas été transmis.
Faut-il se résigner à ne jamais savoir ? Il y a des
âmes qui ressentent le besoin de connaissance d'une façon aussi impérieuse que
la faim ou la soif. Il leur faudra donc chercher une voie nouvelle.
Mais est-il bien vrai, d'abord, que les voies
anciennes ne puissent plus nous servir ? Faut-il admettre que tous ceux qui,
assoiffés de connaissance, sont partis à l'aventure, ou par des sentiers
battus, à la recherche de l'infini, du divin, ou des mystères de la nature, ont
tous fait fausse route et que parmi tant de voies, il n'y en n'ait qu'une seule
vraie, qu'une seule bonne, qui serait ... la dernière en date précisément ...
ou celle qu'indique l'anthroposophie ?
Il
ne serait pas juste de l'affirmer. Ce serait contraire à l'enseignement d'une
véritable science du spirituel, qui doit savoir montrer d'où provient cette
multiplicité de recherches.
Beaucoup de ces disciplines
anciennes ont permis à l'humanité d'acquérir des connaissances au moins
partielles sur l'univers. Certaines révélations ont été si grandioses qu'elles
ont illuminé, nourri spirituellement tout un peuple, toute une civilisation,
pendant des siècles.
Ces grandes traditions spirituelles de l'Inde, de la
Perse, de l'Égypte, de la Grèce, de l'Église chrétienne, sont-elles devenues
stériles ou est-ce nous qui sommes devenus si infirmes que nous ne puissions
plus les suivre ? Les fils sont-ils si dégénérés qu'ils se trouvent arrêtés là
où les pères ont passé ?
LES ROUTES QUI SE PERDENT
Pour résoudre ce problème, il faut bien voir qu'il y
a, en quelque sorte, une topographie du monde spirituel comme il en est une du
monde physique. Dans l'un comme dans l'autre il y a des voies directes et
commodes, d'autres qui ne mènent au but qu'après de longs détours; il existe
aussi des chemins impraticables et des impasses.
Au travers des provinces de notre pays, on retrouve
parfois le tracé de voies romaines ou des chemins de pèlerins du Moyen Age. La
grand'route moderne suit par moments les anciens tracés, puis s'en écarte. Les
chemins que parcouraient nos ancêtres ne sont plus que des sentes coupées de
fondrières ; on les perd... ou bien les hommes ayant quitté les anciennes cités
pour bâtir des villes nouvelles, la grande artère antique n'aboutit plus qu'à
des ruines. C'est en vain que le voyageur voudrait suivre l'ancien itinéraire;
ce n'est affaire que d'archéologue.
Il en est de même pour le monde spirituel. Il y eut
jadis des voies royales par où l'homme avait accès au monde divin ; elles sont
aujourd'hui presque toujours obstruées, fermées, abolies. Il serait vain de
s'obstiner à les suivre; on s'y perd bientôt, on s'arrête déçu, découragé; on
déclare que l'entreprise est impossible, au-dessus des forces humaines ... ou
que c'est pure folie. On n'a pas compris que la nature et les facultés
spirituelles de l'homme changent et que pour lui les cieux ne s'ouvrent pas
toujours de la même façon, ni au même endroit.
La révélation a pu parfois être
atteinte par exaltation du sentiment, tension de la volonté ou réflexion calme
de la pensée. Le derviche cherche l'illumination dans l'ivresse frénétique de
sa danse, comme le bouddhiste dans la béatitude de sa méditation, le yogi dans
le rythme de son souffle et le moine dans le recueillement et la contemplation.
Les différentes formes que prend leur « quête » du divin sont conformes au
tempérament, au génie propre à chaque peuple ou à l'esprit d'époques
différentes. Si nous ne nous sentons pas la possibilité ou la force de les
suivre, c'est que nos facultés ou nos besoins spirituels sont autres.
Un
Occidental moderne, formé aux disciplines de notre culture intellectuelle et
scientifique, ne peut se satisfaire des expériences intérieures qui illuminent
le derviche ni peut-être même des joies célestes de beaucoup de mystiques
orientaux ou chrétiens. Les méthodes de développement intérieur ou
d'entraînement que suivent les uns ou les autres nous seraient d'ailleurs ou
physiquement impossibles à suivre, ou sans profit sérieux pour notre vie
intérieure.
Il nous faut prendre le courage de frayer des chemins nouveaux.
Pour relever plus exactement le tracé de cette voie
nouvelle, il peut être utile d'examiner de façon plus détaillée quelles étaient
les voies anciennes et pourquoi elles sont devenues impraticables. On voit
mieux ainsi les obstacles à éviter.
Pour y parvenir, attachons-nous uniquement au point
qui nous intéresse ici : les moyens employés pour atteindre la perception ou la
connaissance du spirituel, en laissant de côté les conceptions intellectuelles abstraites,
la métaphysique ou la théologie auxquelles ces formes de développement
intérieur se rattachent d'une façon plus ou moins étroite et parfois
arbitraire.
Car à une même religion ou métaphysique peuvent se rattacher des
méthodes de développement intérieur extrêmement différentes. Ainsi, par
exemple, on voit se réclamer de l'Islam des derviches, des fakirs, des
mystiques et des philosophes rationalistes. Ce qui nous importe, c'est la façon
dont les uns et les autres s'efforcent d'atteindre au monde divin et les
expériences intérieures ou les connaissances qu'ils peuvent en tirer.
On s'aperçoit alors que les expressions de voies ou de
chemins que nous avons fréquemment employées ne sont pas des métaphores, mais
correspondent à une réalité ; qu'avant de parvenir à une expérience et plus
encore à une connaissance du spirituel, il faut passer d'abord par un
entraînement progressif, par une succession enchaînée d'exercices et
d'expériences, et enfin que, suivant la direction donnée à cet entraînement, on
parviendra à atteindre certaines réalités d'ordre suprasensible et non pas
d'autres.
De là naît la diversité des expériences décrites. Le
point de départ et le point d'arrivée ont souvent plus d'importance que le
chemin parcouru car, dans le spirituel comme dans le physique, ces deux points
déterminent la voie à suivre.
Nous examinerons successivement les expériences qu'on
peut atteindre par la pratique des religions dogmatiques, les méthodes de
développement spirituel des Hindous et celles des mystiques chrétiens. Ce sont
là des disciplines qui sont actuellement encore suivies en Europe occidentale.
LA RELIGION
Un homme prie avec ferveur. Il peut avoir soudain le
sentiment que l'élan de sa prière ne se perd pas dans le vide, qu'elle atteint
un être qui la reçoit. En retour, cet être spirituel déverse dans l'âme de
l'homme pieux une force morale accrue, plus de courage, plus d'assurance, et
une douceur joyeuse tout au fond de lui-même. C'est là une expérience qui peut
être fréquente pour certains êtres mais qui, pour le plus grand nombre, est
rare; il se peut qu'elle ne se produise qu'une fois dans toute une existence.
Supposons qu'un homme ayant passé par cette expérience
aille trouver un prêtre d'une quelconque religion dogmatique et lui demande ce
qu'il devrait faire pour développer ou renouveler une telle expérience.
Le
prêtre lui répondra à peu près ceci :
L'expérience
par laquelle vous êtes passé est un effet de la grâce divine ; c'est un don
gratuit que Dieu vous a fait. Lui seul peut le renouveler. Par vos propres et
seuls efforts vous ne pourriez accéder de nouveau à cette expérience. Priez et
attendez. Pour participer à la grâce divine, il n'est qu'un seul moyen :
pratiquez la religion. Les sacrements et les rites ont été institués pour
servir de canal au travers duquel se déverse la grâce que vous recherchez. Ils
ne vous procureront peut-être pas l'expérience que vous avez connue ou d'autres
analogues, mais au travers d'eux Dieu agit en vous, même à votre insu (sans que
cela parvienne à votre conscience). Je ne puis vous donner d'autre conseil.
Quant à une connaissance directe et personnelle des réalités du monde
spirituel, elle ne peut ni même ne doit être recherchée. La révélation a été
donnée une fois pour toutes. On peut construire sur cette révélation une
théologie ou une philosophie, mais l'homme est impuissant à la vérifier. Il
commettrait un péché d'orgueil s'il s'avisait d'en chercher une source nouvelle
par ses propres moyens.
Ainsi les religions dogmatiques n'offrent pas de moyen
permettant à l'homme d'atteindre personnellement et directement à la perception
et à la connaissance du spirituel. Mieux, elles condamnent cette recherche,
sauf cependant exception pour la mystique catholique admise dans des limites
très étroites et notamment à condition qu'elle recherche uniquement la
perception de Dieu, l'unio mystica,
mais jamais la connaissance.
Or, c'est là précisément qu'est le point critique pour
beaucoup d'âmes modernes. Elles ont soif de la connaissance. Elles ne peuvent accéder à la foi ou s'en contenter. ·sans doute,
il en est d'autres à qui des expériences comme celle décrite plus haut
paraissent suffisantes pour emplir leur vie morale. Elles s'y complaisent et en
retirent assez de satisfaction pour ne pas éprouver le besoin de chercher
encore.
Il n'appartient certes pas à une science du spirituel de les blâmer ou même
de les critiquer. Si ces âmes trouvent ainsi la paix, qu'elles conservent leur
paix! Il y a lieu simplement de constater qu'un nombre toujours plus grand
d'êtres cherche autre chose et notamment une connaissance fondée sur des
expériences personnelles ou vérifiables.
Si cette recherche est plus fréquente
qu'autrefois, cela prouve seulement que les besoins spirituels de l'humanité
ont varié. Si la foi est plus débile, cela tient à ce que la force spirituelle
qui peut se déverser au travers des rites ou des sacrements atteint moins
profondément les âmes. Il y a des êtres qui sont plus sensibles que d'autres à
cette double modification dans. les rapports de l'homme et des mondes
suprasensibles.
C'est à eux seuls que s'adresse la science spirituelle anthroposophique.
LES MÉTHODES HINDOUES
À l'inverse de ce que nous venons de voir au sujet des
religions dogmatiques européennes, nous trouvons en Inde un grand nombre
d'écoles où la voie de développement intérieur est considérée comme le but
essentiel de toute vie religieuse, tandis que les rites, le contenu
intellectuel de l'enseignement, la métaphysique ou la théologie n'en forment
que l'accessoire.
Ces écoles sont nombreuses et très diverses et nous n'avons
aucunement l'intention de les étudier toutes. Mais elles possèdent des points
communs qui sont précisément les plus importants pour notre étude. Quel que
soit le moyen d'entraînement proposé, qu'il s'agisse de gymnastique
respiratoire ou de méditations, le point de départ et le point d'arrivée de la
voie sont identiques.
Les Hindous affirment unanimement que le monde que
nous percevons par nos sens est une « maïa », une illusion mauvaise. L'homme
sage doit se libérer de cette illusion. Il commence par se détourner du monde
extérieur qui ne peut apporter que l'erreur et la souffrance. « Naître, c'est souffrir, a dit le
Bouddha, vivre c'est souffrir, mourir
c'est souffrir ». La compassion devant cette souffrance doit nous conduire
à nous libérer et à aider les autres à se libérer du monde physique, à renoncer
à tout ce qu'il peut nous offrir[1].
Puis, seconde étape, il faut détruire dans notre vie
intérieure tout ce qui provient directement ou indirectement de cette illusion
mauvaise : les désirs qui naissent toujours de ce qu'on est tenté de posséder quelque
chose de physique, les sentiments qui surgissent en nous du contact avec le
monde matériel, les idées même qui sont le résultat du travail de l'intellect
sur les données des sens.
Enfin, troisième étape, il faut nous libérer du
sentiment de notre personnalité. Ce sentiment, en effet, qui nous oppose à tout
ce qui n'est pas nous, provient du monde physique; car c'est par opposition à
ce monde que naît ce sentiment. Dès
qu'on prononce ce simple et petit mot « moi », on s'oppose par là-même et
immédiatement à tout ce qui n'est pas « moi », au monde, à l'univers.
La
personnalité entraîne la « séparativité », nous retranche du monde spirituel où
tout est un. Quand nous sommes parvenus à nous libérer de l'illusion de la
personnalité, nous échappons à « la roue des naissances et des morts », nous ne
sommes plus obligés de nous incarner dans le monde physique et nous nous
abîmons, nous nous dissolvons dans le spirituel infini comme le fleuve se perd
dans la mer. Nous atteignons au «
nirvâna ».
Cette dernière étape est entièrement passive. Il faut, après avoir
détruit en soi tout ce qui formait notre vie intérieure, faire le vide en nous,
laisser ce vide être empli par la spiritualité impersonnelle, universelle, sans
forme, sans nom, en qui tout s'absorbe, s'évanouit.
Il est certain qu'une telle attitude intérieure est
tout à fait étrangère à la mentalité d'un Européen moderne. Il nous est d'abord
extrêmement difficile d'avoir le sentiment intérieur sincère et profond que le
monde extérieur est une pure illusion, une construction arbitraire de nos sens.
Toute la culture européenne depuis plusieurs siècles est tournée vers la
connaissance et l'utilisation de ce monde matériel où la science et la
technique ont obtenu des résultats incontestables. Avoir le sentiment qu'il n'y
a là que pure fantasmagorie nous est fort pénible.
Pour suivre la voie hindoue, il ne suffit pas, en
effet, de se répéter que rien n'existe ni même de reprendre tous les
raisonnements subtils sur lesquels on essaie de fonder cette affirmation. Des
philosophes occidentaux s'y sont efforcés. Le criticisme kantien y mène tout
droit et Schopenhauer a tenté d'établir que « le monde n'est qu'une
représentation ». Ce ne sont que simples spéculations de l'intelligence qui
n'atteignent pas profondément notre vie intérieure; ce sont jeux d'ombre et de
lumière qui miroitent à la surface de notre conscience. Pour un Européen, cette
notion que le monde n'est qu'illusion ne saurait devenir sincèrement une
expérience vécue.
Supposons cette première difficulté résolue, il en
resterait une seconde plus insurmontable encore : la destruction du sentiment
du moi, de la personnalité. Ici, ce sont vingt siècles de christianisme qui
nous séparent de la mentalité hindoue. Tout le christianisme est fondé sur la
notion de la valeur infinie de la personnalité humaine.
Or, toute la culture
européenne est imprégnée de christianisme. Le sentiment de notre personnalité
est descendu jusqu'à la racine même de notre être. Nous acceptons de n'être
qu'«une goutte d'eau dans la mer »,
mais à condition que cette goutte trouve sa valeur et sa fin en elle-même,
qu'elle se distingue du tout, et ne soit pas « de l'eau dans la mer », quelque chose qu'on ne puisse plus
distinguer du tout, qui y soit confondu, absorbé.
Nous voulons bien être infimes, mais quelque
chose en nous veut rester conscient de lui-même dans sa petitesse et encore et
toujours dire « moi ». L'impérieux besoin de pouvoir dire « moi, je », en face
de toutes choses, en face de l'infini même, s'impose d'une façon absolue à tout
Européen occidental.
Là est la barrière entre l'Europe occidentale et
l'Asie, entre la chrétienté et le paganisme. Se fondre dans un tout, infini
peut-être et divin mais indéfini, nous paraît l'équivalent d'une disparition
irrémédiable dans le néant. Un instinct, plus profond encore que l'instinct de
la conservation et qui parfois se confond avec lui, nous en écarte. Il nous est
à peu près impossible de le surmonter. Si une trop grande fatigue nerveuse peut
nous amener parfois à imaginer cette sorte de suicide spirituel plus profond
encore que le suicide du corps physique, tout en nous se rebelle et s'insurge.
Il y a quelque chose en nous qui ne veut pas mourir : le moi.
Ainsi, la culture qu'a reçue l'Européen occidental a
profondément imprimé en lui deux notions étrangères aux peuples orientaux :
-
d'une part la notion de l'existence objective du monde physique, de
l'importance du travail exécuté pour modifier ou améliorer le monde physique ;
- d'autre part, le sentiment du moi, de la valeur
absolue de la personnalité.
Ces deux notions, qui doivent être abolies pour que
l'Européen suive les méthodes hindoues, forment des obstacles quasiment
insurmontables dès qu'il veut entrer avec fruit dans cette voie.
LA MYSTIQUE CHRÉTIENNE
Le terme « mystique» a pris de nos jours un sens
extrêmement large et vague. Il sert à désigner n'importe quelle religiosité
sentimentale ou émotive.
Nous n'entendons parler ici que de la voie mystique
décrite, avec des variantes individuelles bien entendu, dans les œuvres de
grands mystiques tels que saint Bonaventure, saint Jean de la Croix, sainte
Thérèse, saint Ignace de Loyola, ou même ajustée à l'usage des gens du monde
par saint François de Sales[2].
Si on examine cette voie d'après les descriptions qui
en ont été faites et les exercices proposés, on s'aperçoit que le point de
départ du développement intérieur est ici tout autre que chez les Hindous,
malgré certaines analogies qu'offrent le renoncement de la vie monastique,
l'ascèse mystique.
Pour le mystique chrétien, le monde physique n'est pas
une illusion mauvaise comme pour l'Hindou, puisque ce monde est l'œuvre, la
création de Dieu. Mais il peut être corrompu par l'homme, ou plutôt l'homme
peut se corrompre au contact de ce monde qui suscite des désirs, des passions,
des besoins de possession détournant l'âme de la vie spirituelle.
C'est
uniquement pour préserver cette vie spirituelle, pour pouvoir librement se
concentrer sur elle que le cœlicole[3] se détourne de la vie du
monde. C'est une vocation exceptionnelle qui exige ce sacrifice et non un
anathème jeté sur le monde sensible qui provoque le renoncement du religieux.
L'homme n'est pas plus que le monde irrémédiablement
mauvais. Les forces de l'âme : pensée, sentiment, volonté, doivent seulement
être purifiées car elles ont été corrompues par le péché originel.
Le premier degré de la vie mystique y veille par la
purification ou vie purgative. La pensée et la volonté sont les plus atteintes
car elles sont contaminées par l'orgueil, le désir du pouvoir ou de la possession,
le désir de la richesse et le désir de la chair ou concupiscence. De là les
trois vœux monastiques de pauvreté, chasteté et obéissance ou absence de
volonté propre.
Au second degré de la vie mystique, une fois la
purification des forces de l'âme obtenue, on accède à la vie contemplative.
Elle est développée par des exercices de méditation ou d'oraison. La forme
donnée à ces méditations montre très clairement la voie suivie. Il ne s'agit
plus comme chez les Hindous de faire entièrement le vide dans la vie
intérieure. Mais au détriment de la volonté et même de la pensée, le sentiment
va être tout spécialement cultivé.
Prenons comme exemple une méditation proposée par
saint Bonaventure. Il écrit pour des femmes, des clarisses : [4].
« Représentez-vous, dit-il, la maison de la Sainte
Vierge. C'est l'humble demeure d'une femme de charpentier, mais admirablement
bien tenue. La Sainte Vierge a beaucoup à faire pour tenir aussi soigneusement
son ménage et élever le petit enfant Jésus. Elle est obligée de s'absenter et
vous confie le soin de veiller sur l'enfant Jésus. Vous restez seule dans cet
intérieur si calme, si beau dans sa simplicité et où flotte une sorte de lueur
surnaturelle. Jésus dort sur vos genoux. Pour quelques instants il vous est
donné, il est entièrement à vous et cela vous inonde d'une joie immense. Vous
songez que dans cette chair si belle, si douce, mais si fragile, habite Dieu
lui-même. Le maître du ciel et de la
terre est là, dans ce corps si frêle, abandonné entre vos bras. Lui, le Tout-Puissant,
a besoin de vous, il réclame vos soins les plus humbles.»
« Mais, s'il a consenti à cet abaissement, à ce
retournement de vos situations respectives, c'est à cause de vous, c'est pour vous.
Cet enfantelet si doux, si beau, s'est voué au sacrifice ; cette chair si
suave, ce corps si mignon est destiné à la torture, à l'horreur de la croix, et
cela à cause de vous, de vos péchés, de votre indignité. Cette torture, ce
supplice, c’est vous qui l'y conduisez. A la joie qui tout à l'heure vous inondait
se mêle le sentiment d'horreur profonde pour votre propre bassesse, d'infinie
reconnaissance pour le sacrifice du Rédempteur.»
Mais ceci n'est que la moitié de la méditation. Cette
série de représentations n'avait d'autre but que de susciter un état d'émotivité
intense. Dans l'exemple choisi, cet état était d'abord joyeux, puis il s'est
chargé de honte et de repentir; enfin il s'est épanoui en reconnaissance envers
le Rédempteur.
Mais voici qu'il faut faire disparaître le décor imaginé tout en
maintenant l'état d'émotivité ; se concentrer sur le sentiment qu'on a fait
naître par les représentations, -tout en supprimant celles-ci. Il faut vivre profondément ce sentiment à
l'état pur, dépouillé de toute image. Il faut le laisser résonner en soi le
plus longtemps possible, le prolonger, du sensible d'où il est parti, jusqu'au
suprasensible, le détacher du physique pour l'attacher au spirituel; ainsi
l'âme emportée par ce sentiment peut s'élever hors du tombeau du corps pour
s'unir au divin.
Cette union avec Dieu, où l'âme, sans cependant perdre
complètement le sentiment de sa personnalité, se sent unie au spirituel,
emportée dans le sein de Dieu, conduit à la troisième étape de la vie mystique,
la vie unitive. De ce sentiment d'union à Dieu, lorsqu'il est vécu profondément,
naît l'état d'extase où la personnalité se sent adombrée par un être divin. «
Ce n'est plus moi, mais Christ en moi », a dit saint Paul. C'est un état
ineffable, donc indescriptible, et que ne peuvent comprendre que ceux qui l'ont
vécu.
On peut tirer un enseignement fort important de ces
diverses étapes de la vie mystique.
Tout d'abord le point de départ de la méditation est
un décor dont les éléments sont empruntés au monde sensible. C'est « la
composition du lieu », selon le terme technique créé par saint Ignace de
Loyola. Même dans la vie intérieure le monde n'est donc pas absolument repoussé
par le mystique ; au contraire, il s'en sert pour son développement spirituel.
C'est là une première différence avec le point de départ des méthodes hindoues.
Pour mieux retenir l'attention et faire naître le sentiment, le méditant doit
se représenter la scène qu'il imagine dans ses moindres détails.
L'évocation de scènes touchantes ou émotionnantes dans
des décors vivants a pu être facilement popularisée. Mais si on s'y arrêtait,
elle rattacherait finalement l'âme au monde physique et non pas au monde
spirituel.
L'essentiel, pour parvenir à la vie contemplative, est évidemment la
concentration sur le sentiment né de cette scène, qu'on en a détaché et qui
subsiste sans support physique. C'est la partie la plus difficile de
l'exercice, celle qui offre également le plus de dangers lorsqu'on n'a pas une
personnalité forte et bien équilibrée ou qu'on n'est pas encadré et soutenu par
la règle d'un ordre conventuel et la surveillance constante d'un directeur de
conscience. Le moment le plus critique vient en effet lorsqu'on est parvenu à
détacher la vie du sentiment de tout ce qui est sensible sans cependant avoir
atteint à une expérience profonde du divin.
On se trouve alors, selon le mot de
saint Jean de la Croix, « plongé dans la
nuit obscure ». On est détaché de la
terre sans être encore lié à Dieu. Le sol s'est dérobé sous les pas et il faut
se soutenir par ses propres forces pour franchir l'abîme. Des qualités tout à
fait exceptionnelles de force d'âme sont nécessaires pour plonger dans cette
nuit obscure.
Si ces qualités sont insuffisamment développées,
plusieurs éventualités peuvent se produire. S'agit-il d'une âme faible douée
d'un tempérament passif ? Elle perdra tout intérêt pour quoi que ce soit. La
terre n'a plus d'attrait pour elle et le ciel est trop haut. Pleine d'ennui,
triste et douce, elle mijotera dans le bain-marie d'une dévotion attiédie. Les confesseurs ont donné un nom à cet état :
le taedium claustris.
Si, par contre,
un tempérament puissant est lié à une âme faible (ce qui est un cas fort
fréquent ), elle risque de tomber dans le dérèglement. L'histoire des
tentatives de vie mystique sans discipline sévère en offre des exemples
nombreux[5].
C'est ici que se montre
le plus clairement la nécessité de l'ascèse mystique et de pratiques comme le
jeûne, les mortifications, parfois la flagellation qui, si on ne les voit pas
de ce point de vue, peuvent paraître extravagants, barbares ou puérils.
Ces
pratiques ont pour but, en affaiblissant le corps, de faciliter l'arrachement
de l'âme hors du physique, tandis que la claustration, la discipline de la
règle monastique, l'obéissance passive aux supérieurs, les confessions
fréquentes, tendent à éviter tout dérèglement.
L'ascèse est donc une nécessité de la vie mystique
qui, sans elle, risque de dégénérer et d'entraîner un abaissement du niveau
moral au lieu d'une exaltation de tout l'être. C'est ce qu'ont bien vu tous les fondateurs et
réformateurs d'ordres contemplatifs.
La voie mystique ne peut par conséquent être ouverte
qu'à un très petit nombre d'individus; elle exige des dons et une vocation. Il faut y consacrer entièrement toute sa vie.
Il serait déraisonnable de vouloir la suivre en « restant dans le monde ».
Mais en admettant qu'on veuille, et qu'on puisse en
accepter les conditions rigoureuses, quel va en être le résultat ? Le passage
de la vie contemplative à la vie unitive est un fait rare, même chez ceux qui y
consacrent toutes leurs forces.
En cas de succès, c'est peut-être une
expérience profonde, intime, du spirituel, mais pas une connaissance. L'état
d'extase ne peut être ni décrit, ni expliqué. C'est une sublimation du
sentiment qui peut mettre l'âme en contact, pendant quelques instants, avec des
réalités d'ordre suprasensible.
Mais la méthode suivie ne permet ni d'observer,
ni de penser ces réalités. Non seulement l'extase n'apporte pas de « savoir
», mais il flotte autour d'elle quelque chose de trouble, d'incertain. D'où vient telle expérience intérieure ?
Ce ne
sont pas seulement les sceptiques qui posent cette question. Les confesseurs et
les théologiens, eux aussi, s'inquiètent. La voie mystique peut conduire à bien
des illusions ; il y a des pièges cachés dans la « nuit obscure » où l'on
s'efforce de plonger. Malgré leur
expérience psychologique, les prêtres les mieux avertis hésitent et se
troublent devant certains récits.
Ce
doute, cette crainte de l'illusion et de l'erreur, sont la conséquence
inéluctable d'expériences intérieures auxquelles ne s'est pas jointe en même
temps une solide connaissance méthodique et raisonnée des réalités spirituelles
qu'on croit percevoir.
Tant qu'on n'est pas capable de reconnaître avec
certitude en face de quoi on se trouve dans le monde spirituel, on ne peut
jamais être certain que ce qu'on perçoit ou ressent n'est pas le résultat d'une
illusion ou d'une erreur, d'une fantasmagorie qu'on se joue à soi-même ou,
comme diraient les théologiens, un piège du démon.
L'incertitude sur la valeur des expériences mystiques
est certainement plus grande de nos jours qu'il y a quelques siècles. La
présence du spirituel, du divin, était jadis plus facilement ressentie ou
pressentie. La voie mystique était par là même moins difficile à suivre et
mieux comprise. Nous retrouvons ici une de ces modifications profondes de la
vie intérieure que nous avons déjà indiquées.
La mentalité moderne s'éloigne de la voie mystique sur
d'autres points encore. La vie recluse, tournée exclusivement vers le
développement intérieur, présente un caractère « asocial » contraire aux
tendances de beaucoup d'esprits. L'Église
elle-même n'attache-t-elle pas une importance toujours plus grande aux « œuvres
» ?
Enfin, l'Occidental moderne est profondément convaincu
de l'importance du travail dans le monde physique. Les spiritualistes eux-mêmes
ont le désir, plus ou moins avoué, que le développement intérieur ait
directement ou indirectement un résultat efficace dans le monde sensible. Ils
ont quelque difficulté à adhérer pleinement aux arguments qu'on donne pour
justifier la vie mystique. Les groupes où on la cultive, répond-on, forment des
sortes de forteresses spirituelles dans le monde. Ils seraient des sortes de digues ou de paratonnerres
qui protégeraient l'humanité contre l'irruption des forces mauvaises ...
Quelle que soit la part de vérité que comportent ces arguments,
et même si on reconnaît cette part de vérité, le sentiment général aimerait
qu'à cette action purement spirituelle s'en joigne une autre, sur le plan
physique, qui vienne au moins démontrer l'efficacité de la première.
***
L'analyse que nous venons de faire de quelques-unes
des formes que peut prendre la culture de la vie intérieure permet de mieux
comprendre en quoi consiste une méthode de développement spirituel et
l'importance considérable que peut avoir le choix d'une de ces voies.
Chacune d'elles exige que soient remplies certaines conditions
rigoureuses.
Chacune repose sur le développement d'une faculté déterminée.
Chacune fait naître des expériences d'un ordre ou
d'une nature qui sont la conséquence inéluctable de la voie suivie.
Inversement, telle expérience à laquelle on désirerait
parvenir ne peut être obtenue que si on a pris le chemin qui y mène.
On est libre
de choisir la route qu'on préfère, mais une fois qu'on y est engagé, on est déterminé par l'itinéraire choisi; on ne
peut le quitter sans risquer de se perdre dans les chemins de traverse. Il
vaudrait mieux revenir en arrière, mais ce n'est jamais facile et c'est
quelquefois impossible.
L'étude de quelques-unes de ces méthodes montre
également comment il se fait que telle d'entre elles, qui fut jadis facilement
suivie ou qui l'est encore chez certains peuples, puisse ne plus être adaptée à
notre mentalité, aux facultés que notre culture, notre milieu, les nécessités
de la vie favorisent.
Ces voies
deviennent pour nous de moins en moins praticables. Le temps est donc venu, si
l'on ne veut pas renoncer à la connaissance, de chercher une route nouvelle.
C'est de cette recherche qu'est née la science
spirituelle anthroposophique.
[1] Nous employons ici la terminologie des
boudhistes. Plus loin (chapitre V), nous
emprunterons la terminologie du Védantisme. Il Importe peu pour le dessin que
nous poursuivons ici. Quelles que soient
les différences entre ces deux écoles, les notions que nous exposons se
rejoignent.
[2] Il y a bien entendu d’autres grands
mystiques. On pourrait citer notamment Tauler, maître Eckhart, Ruysbroeck
l’Admirable, etc. Mais à l’exception de
Ruysbroeck qui a obtenu le grade de bienheureux, les autres n’ont pas été
canonisés. La voie suivie et les
résultats obtenus sont d’ailleurs un peu différents et c’est bien la raison
pour laquelle ils sont restés en marg3e de l’orthodoxie.
[3] Rejetons d’une branche du Donatisme, une hérésie causée par l’évêque Donat qui
divisa l’église chrétienne d’Afrique au IVe siècle ; les membres se qualifiaient « d’habitants du
ciel. »
[4] Les méditations attribuées à saint
Bonaventure ne paraissent pas être de lui, mais elles seraient l’œuvre d’un
disciple très proche de saint François d’Assise et auraient été écrites peu de
temps après sa mort pour les religieuses de l’ordre de sainte Claire, première
disciple femme de saint François.
[5] Voir en particulier Barrès : La Colline Inspirée. C’est moins un roman que la biographie
romancée d’un illuminé qui a vécu au milieu du XIXe siècle.
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